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palais que de pénétrer aujourd’hui jusqu’à la personne du monarque. Ceux qui ont voulu sincèrement la liberté doivent bénir la Charte. Pouvoient-ils raisonnablement espérer un résultat aussi heureux de leurs efforts et de nos discordes ? Quel seroit l’homme assez insensé pour rêver la république après l’expérience ? L’étendue de la France, le génie de la nation, mille souvenirs odieux ne s’opposent-ils pas d’une manière invincible à cette forme de gouvernement ? Quiconque trouveroit qu’il est esclave avec la représentation des deux chambres, qu’il est esclave avec le droit de pétition, avec l’abolition de la confiscation, avec la sûreté des propriétés, l’indépendance personnelle, la garantie contre les coups d’État, prouveroit qu’il n’a jamais été de bonne foi dans ses opinions, et qu’il ne sera jamais digne d’être libre.

CHAPITRE XXII.
QUE LE TRÔNE TROUVE DANS LA CHARTE SA SÛRETÉ ET SA SPLENDEUR.

Quant au roi, seroit-il plus le maître en vertu des anciens règlements que par la Charte qu’il nous a donnée ? D’un bout de la France à l’autre, une loi passée dans les deux chambres met à sa disposition notre vie, nos enfants, notre fortune. Qu’il parle au nom de la loi, et nous allons tous nous immoler pour lui. A-t-il à essuyer ces remontrances sans fin, souvent justes, mais quelquefois inconsidérées, quand il a besoin du plus foible impôt ? Rencontre-t-il dans toutes les provinces, dans toutes les villes, dans tous les villages, des privilèges, des coutumes, des corps qui lui disputent les droits les plus légitimes, ôtent au gouvernement l’unité d’action et la rapidité de la marche ? Derrière les deux chambres, rien ne peut l’atteindre ; uni aux deux chambres, sa force est inébranlable. Les orages sont pour ses ministres ; la paix, le respect et l’amour sont pour lui. S’il est entraîné vers la gloire militaire, qu’il demande, il aura des soldats. S’il chérit les arts et les talents, un gouvernement représentatif est surtout propre à les faire éclore. S’il se plaît aux idées politiques, s’il cherche à perfectionner les institutions de la patrie, oh ! comme tout va seconder ce penchant vraiment royal ! Et pourquoi les Bourbons seroient-ils ennemis de tout changement dans le système politique ? Celui qui vient de finir avoit-il toujours existé ? La monarchie a changé de forme de siècle en siècle.

La race auguste et immortelle des rois capétiens a vu, immobile sur