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avoit le plus perdu dans la destruction du pouvoir aristocratique de la France, c’est elle aussi qui gagne le plus à l’ordre de choses qui rétablit ce pouvoir. Les hommes qui portent ces noms historiques auxquels la gloire a depuis longtemps accoutumé notre oreille rentrent dans la possession de leurs droits : c’est un sort assez remarquable de servir à fonder la nouvelle monarchie dans la chambre des pairs de Louis XVIII, après avoir formé la base de l’ancienne monarchie dans la cour des pairs de Hugues Capet.

Ainsi la Charte, qui rend aux gentilshommes leur ancienne part au gouvernement, et qui les rapproche en même temps du peuple pour le protéger et le défendre, ne fait que les rappeler au premier esprit de leur ordre. Les plus hautes et les plus brillantes destinées s’ouvrent devant eux : il leur suffît, pour y atteindre, de bien se pénétrer de leur position, sans regarder en arrière, et sans lutter vainement contre le torrent du siècle.

CHAPITRE XXI.
QUE LA CLASSE LA PLUS NOMBREUSE DES FRANÇAIS DOIT ÊTRE SATISFAITE DE LA CHARTE.

Ceci n’a plus besoin d’être prouvé. Tout ce que nous avons dit le démontre suffisamment : la Charte nous fait jouir enfin de cette liberté que nous avons achetée au prix du plus pur sang de la France. Elle donne un but à nos efforts, elle ne rend pas vains tant de malheurs et tant de gloire ; en investissant l’homme de sa dignité, elle ennoblit nos erreurs. Chacun peut se justifier à ses propres yeux, chacun peut se dire : « Voilà ce que j’avois désiré. Les droits naturels sont reconnus ; tous les François appelés aux emplois civils, aux grades militaires, à la tribune des deux chambres, peuvent également s’illustrer au service de la patrie. » Ce n’est point une espérance, c’est un fait. Et tel homme qui peut se dire aujourd’hui : « Je suis pair de France sous le roi légitime, » doit trouver que la Charte est déjà une assez belle chose, et qu’il est un peu différent d’être pair sous Louis XVIII ou d’être sénateur sous Buonaparte.

Qu’auroient pu attendre les vrais républicains dans l’ordre politique que la restauration a détruit ? L’égale admission aux places, aux honneurs ? Ils en jouissent sous le roi légitime, ils n’en auroient jamais joui sous l’étranger. Déjà les distinctions les plus outrageantes étoient établies. Il étoit plus difficile d’approcher du dernier subalterne du