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toit pour le Limousin ; il y avoit déjà seize années qu’il étoit monté sur le trône, et pourtant Malherbe lui disoit :

Un malheur inconnu glisse parmi les hommes,
Qui les rend ennemis du repos où nous sommes :
La plupart de leurs vœux tendent au changement ;
Et comme s’ils vivoient des misères publiques,
Pour les renouveler ils font tant de pratiques,
Que qui n’a point de peur n’a point de jugement.
Nous voyons les esprits nés à la tyrannie,
Ennuyés de couvrir leur cruelle manie,
Tourner tous leurs conseils à notre affliction ;
Et lisons clairement dedans leur conscience
Que s’ils tiennent la bride à leur impatience,
Nous n’en sommes tenus qu’à sa protection (d’Henri IV).

Qu’il vive donc. Seigneur, et qu’il nous fasse vivre !

Après la restauration de Charles II en Angleterre, les esprits restèrent agités. Le premier moment de joie une fois passé, les hommes qui avoient suivi des principes opposés dans le cours de la révolution continuèrent à se haïr. Les whigs et les tories descendirent de ces factions. Il y avoit même quelques furieux qui regardoient les régicides condamnés comme des martyrs de la bonne vieille cause, « of the old good cause ». Ils prétendoient qu’à leur mort Harrison, Cook et Peter avoient été très-certainement revêtus du Seigneur, « cloathed with the Lord ». Ils n’étoient couverts que du sang de leur roi.

Concluons de tout ceci que ceux qui regrettent l’ancien gouvernement doivent s’attacher au nouveau, parce qu’il est très-bon en soi, parce qu’il est le résultat obligé des mœurs du siècle, parce qu’enfin la fatale nécessité a détruit l’autre, et qu’on ne se soustrait point à la nécessité.

CHAPITRE XX.
QUE LE NOUVEAU GOUVERNEMENT EST DANS L’INTÉRÊT DE TOUS. SES AVANTAGES POUR LES HOMMES D’AUTREFOIS.

Il nous en a coûté beaucoup pour démontrer à des hommes dignes de tous les respects qu’ils ne peuvent pas obtenir ce qu’ils désirent. Nous regrettons peut-être autant et plus qu’eux ce qui a cessé d’exister ; mais enfin nous ne pouvons pas faire que le xixe siècle soit le xvie, le xve, le xive. Tout change, tout se détruit, tout passe. On doit pour bien servir sa patrie se soumettre aux révolutions que les siècles