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elle-même, tous les principes de son gouvernement actuel. Voltaire observe très-bien quelque part que le parlement d’Angleterre n’est autre chose qu’une imitation perfectionnée de nos états généraux ; et d’Aguesseau dit, avec autant de fondement, que l’on retrouve toutes nos lois dans les vieilles lois de la Grande-Bretagne.

Dans des questions de cette importance et de cette nature, il faut marcher le flambeau de l’histoire à la main : c’est le moyen de se guérir de beaucoup de préventions et de préjugés. Il n’est donc pas question dans tout ceci de se faire Anglois ; l’Europe, qui penche avec nous vers un système de monarchie modérée, ne se fera pas angloise : ce que l’on a, ce que l’on va avoir est le résultat naturel des anciennes monarchies. L’Angleterre a devancé la marche générale d’un peu plus d’un siècle, voilà tout.

CHAPITRE XVII.
SUITE DES OBJECTIONS.
QUE NOUS AVONS ESSAYÉ INUTILEMENT DE DIVERSES CONSTITUTIONS. QUE NOUS NE SOMMES PAS FAITS POUR DES ASSEMBLÉES DÉLIBÉRANTES.

On se récrie avec une sorte de justice sur la multitude de nos constitutions ; mais est-ce une raison pour ne pas en trouver une qui nous convienne ? Combien de fois les Anglois en changèrent-ils avant d’arriver à celle qu’ils ont aujourd’hui ? Le rump, le conseil des officiers de Cromwell, les différentes sectes religieuses, enfantoient chaque jour des institutions politiques, que l’on se hâtoit de proclamer comme des chefs-d’œuvre : cela a-t-il rendu ridicule leur dernière constitution et nui à son excellence et à son autorité ?

Nous ne sommes pas faits, ajoute-t-on, pour des assemblées délibérantes. Mais n’en avons-nous jamais eu, de ces assemblées ? Autre erreur historique, plus frappante encore que la première. Nos pères étoient-ils moins ardents que nous ? Ces Francs, qu’Anne Comnène vit passer à Constantinople, qui étoient si impétueux, si vaillants, qui ne pouvoient consentir à se tenir découverts devant Alexis ; ces Francs irascibles, impatients, volontaires, n’avoient-ils pas des conseils de baronnie, des assemblées de province, des états-généraux de la langue d’oil et de la langue d’oc ? Lorsque, sous Philippe de Valois, s’éleva la querelle entre les juridictions seigneuriales et ecclésiastiques, vit-on jamais rien de plus grave que ce qui se passa alors ? C’étoient pourtant