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jours dans des moments de troubles, voulurent profiter de ces moments pour ressaisir leurs droits, et commencèrent à ne paroître plus que des corps turbulents et dangereux : sachant qu’ils seroient bientôt dissous, ils se hâtoient de tout envahir, dans l’espoir de conserver quelque chose. Cette conduite acheva de les discréditer. S’ils avoient été appelés à des époques fixes, ils n’auroient pas montré cette jalousie ; et, au lieu de ne songer qu’à eux-mêmes, ils se seroient occupés de l’État. Tout se resserra donc autour d’un trône éclatant qu’occupoient tour à tour les meilleurs et les plus grands princes, tandis qu’une autre partie du pouvoir des états généraux tomboit entre les mains du parlement de Paris.

Ce corps puissant s’étoit élevé lentement et en silence : d’abord ambulant, ensuite sédentaire à Paris, il avoit acquis, par son intégrité et ses lumières, une considération méritée. Dès son origine il avoit sapé les fondements de la féodalité et circonscrit les juridictions seigneuriales. La cour des pairs, laïques et ecclésiastiques, qui formoit la haute cour ou le grand conseil du roi, se réunissoit au parlement dans les causes importantes, avec les princes du sang, et quelquefois avec le roi même. Cette réunion donna au parlement quelque chose de la composition des états généraux. Ceux-ci n’étant convoqués que de loin à loin, le peuple s’habitua à regarder le parlement comme le corps qui les remplaçoit dans l’intervalle des sessions. Le droit de remontrance fit entrer dans ce corps une partie du droit public relatif à la levée des impôts. Ainsi croissant en renommée par la vertu, la science et la gravité de ses magistrats, par la sagacité de ses décisions, le parlement se trouva peu à peu investi d’une puissance politique d’autant plus respectable, qu’elle étoit jointe à la puissance judiciaire. À l’époque des troubles de la Ligue, placé à la tête d’une faction, il exerça presque toutes les fonctions des états généraux, et décida des droits de Henri IV à la couronne. Les états généraux convoqués sous Louis XIII n’ayant rien produit, et Richelieu ayant achevé la ruine du pouvoir aristocratique, le parlement resta seul chargé de défendre le peuple contre la couronne, et une véritable révolution fut accomplie dans l’État. On a pu reprocher aux parlements quelques erreurs ; mais ces erreurs ne peuvent balancer les services qu’ils ont rendus à la France : ils l’ont éclairée dans les temps de ténèbres, défendue contre la barbarie féodale, et, après l’érection de la monarchie absolue sous Louis XIV, ils ont été, de fait, les seuls représentants, et souvent les représentants courageux de nos libertés.

L’Angleterre, partie du même but, arriva à un autre terme. Ses guerres d’Écosse n’étoient rien pour elle et ne menaçoient point son