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Trois ans plus tard, en 1823, M. Beltrami a parcouru les mêmes régions. Il porte les sources septentrionales du Mississipi à cent milles au-dessus du lac Cassina ou du Cèdre-Rouge. M. Beltrami affirme qu’avant lui aucun voyageur n’a passé au delà du lac du Cèdre-Rouge. Il décrit ainsi sa découverte des sources du Mississipi :

« Nous nous trouvons sur les plus hautes terres de l’Amérique septentrionale… Cependant tout y est plaine, et la colline où je suis n’est pour ainsi dire qu’une éminence formée au milieu pour servir d’observatoire.

« En promenant ses regards autour de soi, on voit les eaux couler au sud vers le golfe du Mexique ; au nord, vers la mer Glaciale ; à l’est, vers l’Atlantique, et à l’ouest se diriger vers la mer Pacifique.

« Un grand plateau couronne cette suprême élévation ; et, ce qui étonne davantage, un lac jaillit au milieu.

« Comment s’est-il formé, ce lac ? d’où viennent ces eaux ? C’est au grand architecte de l’univers qu’il faut le demander… Ce lac n’a aucune issue, et mon œil, qui est assez perçant, n’a pu découvrir, dans aucun lointain de l’horizon le plus clair, aucune terre qui s’élève au-dessus de son niveau ; toutes sont au contraire beaucoup inférieures…

« Vous avez vu les sources de la rivière que j’ai remontée jusqu’ici (la rivière Rouge) : elles sont précisément au pied de la colline, et filtrent en ligne directe du bord septentrional du lac ; elles sont les sources de la rivière Rouge ou Sanglante. De l’autre côté, vers le sud, d’autres sources forment un joli petit bassin d’environ quatre-vingts pas de circonférence ; ces eaux filtrent aussi du lac, et ces sources… ce sont les sources du Mississipi.

« Ce lac a trois milles de tour environ ; il est fait en forme de cœur, et il parle à l’âme ; la mienne en a été émue : il étoit juste de le tirer du silence où la géographie, après tant d’expéditions, le laissoit encore, et de le faire connoître au monde d’une manière distinguée. Je lui ai donné le nom de cette dame respectable dont la vie, comme il a été dit par son illustre amie, madame la comtesse d’Albani, a été un cours de morale en action, la mort, une calamité pour tous ceux qui avoient le bonheur de la connoître… J’ai appelé ce lac le lac Julie ; et les sources des deux fleuves, les sources Juliennes de la rivière Sanglante, les sources Juliennes du Mississipi.

« J’ai cru voir l’ombre de Colombo, d’Amorico Vespucci, des Cabotto, de Verazani, etc., assister avec joie à cette grande cérémonie, et se féliciter qu’un de leurs compatriotes vînt réveiller par de nouvelles découvertes le