Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voient des explorateurs qui pour découvrir un monde passé bravent des périls comme les marins qui cherchèrent un nouveau monde : Buonaparte et ses quarante mille voyageurs battent des mains aux ruines de Thèbes.

Sur la mer, Drake, Sarmiento, Candish, Sebald de Weert, Spilberg, Noort, Woodrogers, Dampier, Gemelli-Carreri, La Barbinais, Byron, Wallis, Anson, Bougainville, Cook, Carteret, La Pérouse, Entrecasteaux, Vancouver, Freycinet, Duperré, ne laissent plus un écueil inconnu[1].

L’océan Pacifique cessant d’être une immense solitude, devient un riant archipel, qui rappelle la beauté et les enchantements de la Grèce.

L’Inde, si mystérieuse, n’a plus de secrets ; ses trois langues sacrées sont divulguées, ses livres les plus cachés sont traduits : on s’est initié aux croyances philosophiques qui partagèrent les opinions de cette vieille terre ; la succession des patriarches de Bouddhah est aussi connue que la généalogie de nos familles. La société de Calcutta publie régulièrement les nouvelles scientifiques de l’Inde ; on lit le sanscrit, on parle le chinois, le javanois, le tartare, le turc, l’arabe, le persan, à Paris, à Bologne, à Rome, à Vienne, à Berlin, à Pétersbourg, à Copenhague, à Stockholm, à Londres. On a retrouvé jusqu’à la langue des morts, jusqu’à cette langue perdue avec la race qui l’avoit inventée ; l’obélisque du désert a présenté ses caractères mystérieux, et on les a déchiffrés ; les momies ont déployé leurs passeports de la tombe, et on les a lus. La parole a été rendue à la pensée muette, qu’aucun homme vivant ne pouvoit plus exprimer.

Les sources du Gange ont été recherchées par Webb, Râper, Hearsay et Hodgson ; Moorcroft a pénétré dans le petit Thibet : les pics d’Hymalaya sont mesurés. Citer avec le major Renell mille voyageurs à qui la science est à jamais redevable, c’est chose impossible.

En Afrique, le sacrifice de Mungo-Park a été suivi de plusieurs autres sacrifices : Bowdich, Toole, Belzoni, Beaufort, Peddie, Woodney, ont péri : néanmoins ce continent redoutable finira par être traversé.

Dans le cinquième continent, les montagnes Bleues sont passées : on pénètre peu à peu cette singulière partie du monde où les fleuves semblent couler à contre-sens, de la mer à l’intérieur, où les animaux ressemblent peu à ceux qu’on a connus, où les cygnes sont noirs, où le kangourou s’élance comme

  1. C’est toujours avec un sentiment de plaisir et d’orgueil que j’écris des noms françois : n’oublions pas dans les derniers temps les voyages de M. Julien dans l’Afrique occidentale, de M. Caillaud en Égypte, de M. Gau en Nubie, de M. Drovetti aux Oasis, etc.