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Le plan indique cinq portes, désignées chacune par un nom qui n’a été donné que depuis la découverte de la ville, et qui n’est fondé sur aucun monument. La porte de Nola, la plus petite de toutes, est la seule dont l’arcade soit conservée. La porte la plus proche du forum, ou quartier des soldats, est celle par laquelle on entre : elle a été construite d’après l’antique.

Quelques personnes avoient pensé qu’au lieu d’enlever de Pompéi les divers objets que l’on y a trouvés, et d’en former un muséum à Portici, l’on auroit mieux fait de les laisser à leur place, ce qui auroit représenté une ville ancienne avec tout ce qu’elle contenoit. Cette idée est spécieuse, et ceux qui la proposoient n’ont pas réfléchi que beaucoup de choses se seroient gâtées par le contact de l’air, et qu’indépendamment de cet inconvénient on auroit couru le risque de voir plusieurs objets dérobés par des voyageurs peu délicats ; c’est ce qui n’arrive que trop souvent. Il faudroit, pour songer même à meubler quelques maisons, que l’enceinte de la ville fût entièrement déblayée, de manière à être bien isolée, et à ne pas offrir la facilité d’y descendre de dessus les terrains environnants ; alors on fermeroit les portes, et Pompéi ne seroit plus exposé à être pillé par des pirates terrestres.

L’on n’a eu dessein dans cette Notice que de donner une idée succincte de l’état des fouilles de Pompéi en 1817. Pour bien connoître ce lieu remarquable, il faut consulter le bel ouvrage de M. Mazois[1]. L’on trouve aussi des renseignements précieux dans un livre que M. le comte de Clarac, conservateur des antiques, publia étant à Naples. Ce livre, intitulé Pompéi, n’a été tiré qu’à un petit nombre d’exemplaires, et n’a pas été mis en vente. M. de Clarac y rend un compte très-instructif de plusieurs fouilles qu’il a dirigées.

Il est d’autant plus nécessaire de ne consulter sur cet objet intéressant que des ouvrages faits avec soin, que trop souvent des voyageurs, ou même des écrivains qui n’ont jamais vu Pompéi, répètent avec confiante les contes absurdes débités par les ciceroni. Quelques journaux quotidiens de Paris ont dernièrement transcrit un article du Courrier de Londres, dans lequel M. W… abusoit étrangement du privilège de raconter des choses extraordinaires. Il étoit question, dans son récit, d’argent trouvé dans le tiroir d’un comptoir, d’une lance encore appuyée contre un mur, d’épigrammes tracées sur les colonnes du quartier des soldats, de rues toutes bordées d’édifices publics.

Ces niaiseries ont engagé M. M…, qui a suivi pendant douze ans les fouilles de Pompéi, à communiquer au Journal des Débats, du 18 février 1821, des observations extrêmement sensées.

« Il est sans doute permis, dit M. M…, à ceux qui visitent Pompéi d’écouter tous les contes que font les ciceroni ignorants et intéressés, afin d’obtenir des étrangers qu’ils conduisent quelques pièces de monnoie ; il est même très-permis d’y ajouter foi, mais il y a plus que de la simplicité à les rapporter naïvement comme des vérités et à les insérer dans les journaux les plus répandus.

  1. Ruines de Pompéi, in-fol.