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principales familles de la ville ; la plupart sont de petite dimension, mais construites avec beaucoup de goût.

Les rues de Pompéi ne sont pas larges, n’ayant que quinze pieds d’un côté à l’autre, et les trottoirs les rendent encore plus étroites ; elles sont pavées en pierre de lave grise et de formes irrégulières, comme les anciennes voies romaines : on y voit encore distinctement la trace des roues. Il ne reste aux maisons qu’un rez-de-chaussée, mais les débris font voir que quelques-unes avoient plus d’un étage ; presque toutes ont une cour intérieure, au milieu de laquelle est un impluvium ou réservoir pour l’eau de pluie, qui alloit ensuite se rendre dans une citerne contiguë. La plupart des maisons étoient ornées de pavés mosaïques, et de parois généralement peintes en rouge, en bleu et en jaune. Sur ce fond, l’on avoit peint de jolies arabesques et des tableaux de diverses grandeurs. Les maisons ont généralement une chambre de bains, qui est très-commode ; souvent les murs sont doubles, et l’espace intermédiaire est vide : il servoit à préserver la chambre de l’humidité.

Les boutiques des marchands de denrées, liquides et solides, offrent des massifs de pierre souvent revêtus de marbre, et dans lesquels les vaisseaux qui contenoient les denrées étoient maçonnés.

On a pensé que le genre de commerce qui se faisoit dans quelques maisons étoit désigné par des figures qui sont sculptées sur le mur extérieur ; mais il paroît que ces emblèmes indiquoient plutôt le génie sous la protection duquel la famille étoit placée.

Les fours et les machines à moudre le grain font connoître les boutiques des boulangers. Ces machines consistent en une pierre à base ronde ; son extrémité supérieure est conique et s’adapte dans le creux d’une autre pierre qui est de même creusée en entonnoir dans sa partie supérieure : on faisoit tourner la pierre d’en haut par le moyen de deux anses latérales que traversoient des barres de bois. Le grain, versé dans l’entonnoir supérieur, tomboit par un trou entre l’entonnoir renversé et la pierre conique. Le mouvement de rotation le réduisoit en farine.

Les édifices publics, tels que les temples et les théâtres, sont en général les mieux conservés, et par conséquent ce qu’il y a jusqu’à présent de plus intéressant dans Pompéi.

Le petit théâtre, qui, d’après des inscriptions, servoit aux représentations comiques, est en bon état ; il peut contenir quinze cents spectateurs : il y a dans le grand de la place pour plus de six mille personnes.

De tous les amphithéâtres anciens, celui de Pompéi est un des moins dégradés. En enlevant les décombres, on y a trouvé, dans des corridors qui font le tour de l’arène, des peintures qui brilloient des couleurs les plus vives ; mais à peine frappées du contact de l’air extérieur, elles se sont altérées. On aperçoit encore des vestiges d’un lion, et un joueur de trompette vêtu d’un costume bizarre. Les inscriptions qui avoient rapport aux différents spectacles sont un monument très-curieux.

On peut suivre sur le plan les murailles de la ville ; c’est le meilleur moyen de se faire une idée de sa forme et de son étendue.