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excellent à peindre, parce qu’ils réfléchissent fidèlement l’image de l’objet placé sous leurs yeux. On sent dans leurs récits l’étonnement et l’admiration qu’ils éprouvent à la vue de ces mers virginales, de ces terres primitives qui se déploient devant eux, de cette nature qu’ombragent des arbres gigantesques, qu’arrosent des fleuves immenses, que peuplent des animaux inconnus, nature que Buffon a devinée dans sa description du Kamitchi, qu’il a, pour ainsi dire, chantée en parlant de ces oiseaux attachés au char du soleil sous la zone brûlante que bornent les tropiques, oiseaux qui volent sans cesse sous ce ciel enflammé, sans s’écarter des deux limites extrêmes de la route du grand astre.

Parmi les voyageurs qui écrivirent le journal de leurs courses, il faut compter quelques-uns des grands hommes de ces temps de prodiges. Nous avons les quatre Lettres de Cortès à Charles Quint ; nous avons une Lettre de Christophe Colomb à Ferdinand et Isabelle, datée des Indes occidentales, le 7 juillet 1503 ; M. de Navarette en publie une autre adressée au pape, dans laquelle le pilote génois promet au souverain pontife de lui donner le détail de ses découvertes et de laisser des commentaires comme César. Quel trésor si ces lettres et ces commentaires se retrouvoient dans la bibliothèque du Vatican ! Colomb étoit poëte aussi comme César ; il nous reste de lui des vers latins. Que cet homme fût inspiré du ciel, rien de plus naturel sans doute. Aussi Giustiniani, publiant un Psautier hébreu, grec, arabe et chaldéen, plaça en note la vie de Colomb sous le psaume Cœli enarrant gloriam Dei, comme une récente merveille qui racontoit la gloire de Dieu.

Il est probable que les Portugais en Afrique et les Espagnols en Amérique recueillirent des faits cachés alors par des gouvernements jaloux. Le nouvel état politique du Portugal et l’émancipation de l’Amérique espagnole favoriseront des recherches intéressantes. Déjà le jeune et infortuné voyageur Bowdich a publié la relation des découvertes des Portugais dans l’intérieur de l’Afrique, entre Angola et Mozambique, tirée des manuscrits originaux. On a maintenant un rapport secret et extrêmement curieux sur l’état du Pérou pendant le voyage de La Condamine. M. de Navarette donne la collection des voyages des Espagnols avec d’autres mémoires inédits concernant l’histoire de la navigation.

Enfin, en descendant vers notre âge, commencent ces vovages modernes où la civilisation laisse briller toutes ses ressources, la science tous ses moyens. Par terre, les Chardin, les Tavernier, les Bernier, les Tournefort, les Niébuhr, les Pallas, les Norden, les Shaw, les Hornemann, réunissent leurs beaux travaux à ceux des écrivains des Lettres édifiantes. La Grèce et l’Égypte