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VOYAGE
AU MONT-BLANC


PAYSAGES DE MONTAGNES.

Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable.
Fin d’août 1805.

J’ai vu beaucoup de montagnes en Europe et en Amérique, et il m’a toujours paru que dans les descriptions de ces grands monuments de la nature on alloit au delà de la vérité. Ma dernière expérience à cet égard ne m’a point fait changer de sentiment. J’ai visité la vallée de Chamouny, devenue célèbre par les travaux de M. de Saussure ; mais je ne sais si le poëte y trouveroit le speciosa deserti comme le minéralogiste. Quoi qu’il en soit, j’exposerai avec simplicité les réflexions que j’ai faites dans mon voyage. Mon opinion, d’ailleurs, a trop peu d’autorité pour qu’elle puisse choquer personne.

Sorti de Genève par un temps assez nébuleux, j’arrivai à Servoz au moment où le ciel commençoit à s’éclaircir. La crête du Mont-Blanc ne se découvre pas de cet endroit, mais on a une vue distincte de sa croupe neigée, appelée le Dôme. On franchit ensuite le passage des Montées, et l’on entre dans la vallée de Chamouny. On passe au-dessous du glacier des Bossons ; ses pyramides se montrent à travers les branches des sapins et des mélèzes. M. Bourrit a comparé ce glacier, pour sa blancheur et la coupe allongée de ses cristaux, à une flotte à la voile ; j’ajouterois, au milieu d’un golfe bordé de vertes forêts.

Je m’arrêtai au village de Chamouny, et le lendemain je me rendis