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VOYAGE A CLERMONT.

donne en françois : il est curieux, et par les dispositions et par les détails qu’il renferme.

« Ceux, dit L’Hospital, qui m’avoient chassé prenoient une couverture de religion, et eux-mêmes étoient sans pitié et religion ; mais je vous puis assurer qu’il n’y avoit rien qui les émût davantage que ce qu’ils pensoient que tant que je serois en charge il ne leur seroit permis de rompre les édits du roi, ni de piller ses finances et celles de ses sujets.

« Au reste, il y a presque cinq ans que je mène ici la vie de Laerte… et ne veux point rafraîchir la mémoire des choses que j’ai souffertes en ce département de la cour. »

Les murs de sa maison tomboient ; il avoit de la peine à nourrir ses vieux serviteurs et sa nombreuse famille ; il se consoloit, comme Cicéron, avec les Muses : mais il avoit désiré voir les peuples rétablis dans leur liberté, et il mourut lorsque les cadavres des victimes du fanatisme n’avoient pas encore été mangés par les vers, ou dévorés par les poissons et les vautours.

Je voudrois bien placer Châteauneuf de Randon en Auvergne ; il en est si près ! C’est là que Du Guesclin reçut sur son cercueil les clefs de la forteresse ; nargue des deux manuscrits qui ont fait capituler la place quelques heures avant la mort du connétable. « Vous verrez dans l’histoire de ce Breton une âme forte, nourrie dans le fer, pétrie sous des palmes, dans laquelle masse fit eschole longtemps. La Bretagne en fut l’essai, l’Anglois son boute-hors, la Castille son chef-d’œuvre ; dont les actions n’estoient que heraults de sa gloire ; les défaveurs, theastres élevés à sa constance ; le cercueil, embasement d’un immortel trophée. »

L’Auvergne a subi le joug des Visigoths et des Francs, mais elle n’a été colonisée que par les Romains ; de sorte que s’il y a des Gaulois en France, il faut les chercher en Auvergne, montes Celtorum. Tous ses monuments sont celtiques, et ses anciennes maisons descendent ou des familles romaines consacrées à l’épiscopat, ou des familles indigènes.

La féodalité poussa néanmoins de vigoureuses racines en Auvergne ; toutes les montagnes se hérissèrent de châteaux. Dans ces châteaux s’établirent des seigneurs qui exercèrent ces petites tyrannies, ces droits bizarres, enfants de l’arbitraire, de la grossièreté des mœurs et de l’ennui. À Langeac, le jour de la fête de saint Galles, un châtelain jetoit un millier d’œufs à la tête des paysans, comme en Bretagne, chez un autre seigneur, on apportoit un œuf garrotté dans un grand chariot traîné par six bœufs.

Un seigneur de Tournemine, assigné dans son manoir d’Auvergne