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VOYAGE A CLERMONT.

de cette cité sont très-forts et remparés de boulevards inexpugnables ; et, afin que Votre Majesté m’entende mieux, je parle des saints et de leurs églises, qui environnent les murailles de cette ville. »

Ce fut au concile de Clermont que le pape Urbain II prêcha la première croisade. Tout l’auditoire s’écria : « Diex el volt ! » et Aymar, évêque du Puy, partit avec les croisés. Le Tasse le fait tuer par Clorinde.

..... Fu del sangue sacro
Su l’arme femminili ampio lavacro.

Les comtes qui régnèrent en Auvergne, ou qui en furent les premiers seigneurs féodaux, produisirent des hommes assez singuliers. Vers le milieu du xe siècle, Guillaume, septième comte d’Auvergne, qui, du côté maternel, descendoit des dauphins viennois, prit le titre de dauphin, et le donna à ses terres.

Le fils de Guillaume s’appela Robert, nom des aventures et des romans. Ce second dauphin d’Auvergne favorisa les amours d’un pauvre chevalier. Robert avoit une sœur, femme de Bertrand Ier, sire de Mercœur ; Pérols, troubadour, aimoit cette grande dame ; il en fit l’aveu à Robert qui ne s’en fâcha pas du tout : c’est l’histoire du Tasse retournée. Robert lui-même étoit poëte et échangeoit des sirventes avec Richard Cœur de Lion.

Le petit-fils de Robert, commandeur des templiers en Aquitaine, fut brûlé vif à Paris : il expia avec courage dans les tourments un premier moment de foiblesse. Il ne trouva pas dans Philippe le Bel la tolérance qu’un troubadour avoit rencontrée dans Robert : pourtant Philippe, qui brûloit les templiers, faisoit enlever et souffleter les papes.

Une multitude de souvenirs historiques s’attachent à différents lieux de l’Auvergne. Le village de la Tour rappelle un nom à jamais glorieux pour la France, la Tour d’Auvergne.

Marguerite de Valois se consoloit un peu trop gaiement à Usson de la perte de ses grandeurs et des malheurs du royaume ; elle avoit séduit le marquis de Canillac, qui la gardoit dans ce château. Elle faisoit semblant d’aimer la femme de Canillac : « Le bon du jeu, dit d’Aubigné, fut qu’aussitôt que son mari (Canillac) eut le dos tourné pour aller à Paris, Marguerite la dépouilla de ses beaux joyaux, la renvoya comme une péteuse avec tous ses gardes, et se rendit dame et maîtresse de la place. Le marquis se trouva bête, et servit de risée au roi de Navarre. »

Marguerite aimoit beaucoup ses amants tandis qu’ils vivoient ; à