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VOYAGE A CLERMONT.

un seul soldat, et qu’enfin quelques heures ont suffi matériellement pour tuer avec le glaive cent mille hommes ; le géant Robastre étoit un Myrmidon auprès de cela. À l’époque de la victoire de Fabius, chaque légion ne traînoit pas encore après elle dix machines de guerre de la première grandeur, et cinquante plus petites.

Faut-il croire que le royaume d’Auvergne, changé en république, arma sous Vercingetorix quatre cent mille soldats contre César ?

Faut-il croire que Nemetum étoit une ville immense, qui n’avoit rien moins que trente portes ?

En fait d’histoire, je suis un peu de l’humeur de mon compatriote le père Hardouin, qui avoit du bon : il prétendoit que l’histoire ancienne avoit été refaite par les moines du xiiie siècle, d’après les Odes d’Horace, les Géorgiques de Virgile, les ouvrages de Pline et de Cicéron. Il se moquoit de ceux qui prétendoient que le soleil étoit loin de la terre : voilà un homme raisonnable.

La ville des Arvernes, devenue romaine sous le nom d’Augusto-Nemetum, eut un capitole, un amphithéâtre, un temple de Wasso-Galates, un colosse qui égaloit presque celui de Rhodes ; Pline nous parle de ses carrières et de ses sculpteurs. Elle eut aussi une école célèbre, d’où sortit le rhéteur Fronton, maître de Marc-Aurèle. Augusto-Nemetum, régie par le droit latin, avoit un sénat, ses citoyens, citoyens romains, pouvoient être revêtus des grandes charges de l’État : c’étoit encore le souvenir de Rome républicaine qui donnoit la puissance aux esclaves de l’empire.

Les collines qui entourent Clermont étoient couvertes de bois et marquées par des temples : à Champturgues un temple de Bacchus, à Monjuset un temple de Jupiter, desservi par des femmes fées (fatuæ falidicæ), au Puy de Montaudon un temple de Mercure ou de Teutates ; Montaudon, Mons Teutates, etc.

Nemetum tomba avec toute l’Auvergne sous la domination des Visigoths, par la cession de l’empereur Népos ; mais Alaric ayant été vaincu à la bataille de Vouillé, l’Auvergne passa aux Francs. Vinrent ensuite les temps féodaux, et le gouvernement, souvent indépendant, des évêques, des comtes et des dauphins.

Le premier apôtre de l’Auvergne fut saint Austremoine : la Gallia christiana compte quatre-vingt-seize évêques depuis ce premier évêque jusqu’à Massillon. Trente-un ou trente-deux de ces évêques ont été reconnus pour saints ; un d’entre eux a été pape, sous le nom d’Innocent VI. Le gouvernement de ces évêques n’a rien eu de remarquable : je parlerai de Caulin.

Chilping disoit à Thierry, qui vouloit détruire Clermont : « Les murs