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qu’ils pénètrent dans la mer Rouge, qu’ils achèvent le tour de l’Afrique, qu’ils visitent le golfe Persique et les deux presqu’îles de l’Inde, qu’ils sillonnent les mers de la Chine, qu’ils touchent à Canton, reconnoissent le Japon, les îles des Épiceries et jusqu’aux rives de la Nouvelle-Hollande, une foule de navigateurs suivent le chemin tracé par les voiles de Colomb, Cortès renverse l’empire du Mexique et Pizarre celui du Pérou. Ces conquérants marchoient de surprise en surprise, et n’étoient pas eux-mêmes la chose la moins étonnante de leurs aventures. Ils croyoient avoir exploré tous les abîmes, en atteignant les derniers flots de l’Atlantique, et du haut des montagnes Panama, ils aperçurent un second océan qui couvroit la moitié du globe. Nuguez Balboa descendit sur la grève, entra dans les vagues jusqu’à la ceinture, et, tirant son épée, prit possession de cette mer au nom du roi d’Espagne.

Les Portugais exploitoient alors les côtes de l’Inde et de la Chine : les compagnons de Vasco de Gama et de Christophe Colomb se saluoient des deux bords de la mer inconnue qui les séparoit : les uns avoient retrouvé un ancien monde, les autres découvert un monde nouveau ; des rivages de l’Amérique aux rivages de l’Asie, les chants du Camoëns répondoient aux chants d’Ercylla, à travers les solitudes de l’océan Pacifique.

Jean et Sébastien Cabot donnèrent à l’Angleterre l’Amérique septentrionale ; Corteréal releva la Terre-Neuve, donna le Labrador, remarqua l’entrée de la baie d’Hudson, qu’il appela le Détroit d’Anian, et par lequel on espéra trouver un passage aux Indes orientales. Jacques Cartier, Vorazani, Ponce de Léon, Walter Raleigh, Ferdinand de Soto, examinèrent et colonisèrent le Canada, l’Acadie, la Virginie, les Florides. En venant atterrir au Spitzberg, les Hollandois dépassèrent les limites fixées à la problématique Thulé ; Hudson et Baffin s’enfoncèrent dans les baies qui portent leurs noms.

Les îles du golfe Mexicain furent placées dans leurs positions mathématiques. Améric Vespuce avait fait la délinéation des côtes de la Guyane, de la Terre-Ferme et du Brésil ; Solis trouva Rio de la Plata ; Magellan, entrant dans le détroit nommé de lui, pénètre dans le grand Océan : il est tué aux Philippines. Son vaisseau arrive aux Indes par l’occident, revient en Europe par le cap de Bonne-Espérance, et achève ainsi le premier tour du monde. Le voyage avoit duré onze cent quatre-vingt-quatre jours ; on peut l’accomplir aujourd’hui dans l’espace de huit mois.

On croyoit encore que le détroit de Magellan étoit le seul déversoir qui donnât passage à l’océan Pacifique, et qu’au midi de ce détroit la terre américaine rejoignoit un continent austral : Francis Drake d’abord, et ensuite