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Vierge, arrêtée au bord d’un bois, tient l’Enfant sur ses genoux ; un ange présente des mets à l’Enfant, et saint Joseph ôte le bât de l’âne ; un pont dans le lointain, sur lequel passent des chameaux et leurs conducteurs ; un horizon où se dessinent à peine les édifices d’une grande ville : le calme de la lumière est merveilleux.

Deux autres petits paysages de Claude Lorrain, dont l’un représente une espèce de mariage patriarcal dans un bois : c’est peut-être l’ouvrage le plus fini de ce grand peintre.

Une fuite en Égypte, de Nicolas Poussin : la Vierge et l’Enfant, portés sur un âne que conduit un ange, descendent d’une colline dans un bois ; saint Joseph suit : le mouvement du vent est marqué sur les vêtements et sur les arbres.

Plusieurs paysages du Dominiquin : couleur vive et brillante ; les sujets riants ; mais en général un ton de verdure cru et une lumière peu vaporeuse, peu idéale : chose singulière ! ce sont des yeux françois qui ont mieux vu la lumière de l’Italie.

Paysage d’Annibal Carrache : grande vérité, mais point d’élévation de style.

Diane et Endymion, de Rubens : l’idée est heureuse. Endymion est à peu près endormi dans la position du beau bas-relief du Capitole ; Diane suspendue dans l’air appuie légèrement une main sur l’épaule du chasseur, pour donner à celui-ci un baiser sans l’éveiller ; la main de la déesse de la nuit est d’une blancheur de lune, et sa tète se distingue à peine de l’azur du firmament. Le tout est bien dessiné ; mais quand Rubens dessine bien, il peint mal : le grand coloriste perdoit sa palette quand il retrouvoit son crayon.

Deux têtes, par Raphaël. Les quatre Avares, par Albert Durer. Le Temps arrachant les plumes de l’Amour, du Titien ou de l’Albane : maniéré et froid ; une chair toute vivante.

Noces Aldobrandines, copie de Nicolas Poussin : dix figures sur un même plan, formant trois groupes de trois, quatre, et trois figures. Le fond est une espèce de paravent gris à hauteur d’appui ; les poses et le dessin tiennent de la simplicité de la sculpture ; on diroit d’un bas-relief. Point de richesse de fond, point de détails, de draperies, de meubles, d’arbres, point d’accessoire quelconque, rien que les personnages naturellement groupés.