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Autour de la Naumachie s’élevoient des terrasses destinées aux spectateurs : ces terrasses étoient appuyées par des portiques qui servoient de chantiers ou d’abris aux galères.

Un temple imité de celui de Sérapis en Égypte ornoit cette scène. La moitié du grand dôme de ce temple est tombée. À la vue de ces piliers sombres, de ces cintres concentriques, de ces espèces d’entonnoirs où mugissoit l’oracle, on sent qu’on n’habite plus l’Italie et la Grèce, que le génie d’un autre peuple a présidé à ce monument. Un vieux sanctuaire offre sur ses murs verdâtres et humides quelques traces du pinceau. Je ne sais quelle plainte erroit dans l’édifice abandonné.

J’ai gagné de là le temple de Pluton et de Proserpine, vulgairement appelé l’Entrée de l’Enfer. Ce temple est maintenant la demeure d’un vigneron : je n’ai pu y pénétrer : le maître comme le dieu n’y étoit pas. Au-dessous de l’Entrée de l’Enfer s’étend un vallon appelé le Vallon du Palais : on pourroit le prendre pour l’Élysée. En avançant vers le midi, et suivant un mur qui soutenoit les terrasses attenantes au temple de Pluton, j’ai aperçu les dernières ruines de la villa, situées à plus d’une lieue de distance.

Revenu sur mes pas, j’ai voulu voir l’académie, formée d’un jardin, d’un temple d’Apollon et de divers bâtiments destinés aux philosophes. Un paysan m’a ouvert une porte pour passer dans le champ d’un autre propriétaire, et je me suis trouvé à l’Odéon et au théâtre grec : celui-ci est assez bien conservé quant à la forme. Quelque génie mélodieux étoit sans doute resté dans ce lieu consacré à l’harmonie, car j’y ai entendu siffler le merle le 12 décembre : une troupe d’enfants occupés à cueillir les olives faisoit retentir de ses chants des échos qui peut-être avoient répété les vers de Sophocle et la musique de Timothée.

Là s’est achevée ma course, beaucoup plus longue qu’on ne la fait ordinairement : je devois cet hommage à un prince voyageur. On trouve plus loin le grand portique, dont il reste peu de chose ; plus loin encore, les débris de quelques bâtiments inconnus ; enfin, les Colle di San Stefano, où se termine la villa, portent les ruines du Prytanée.

Depuis l’Hippodrome jusqu’au Prytanée, la villa Adriana occupoit les sites connus à présent sous le nom de Rocca Bruna, Palazza, Aqua Fera et les Colle di San Stefano.

Adrien fut un prince remarquable, mais non un des plus grands empereurs romains ; c’est pourtant un de ceux dont on se souvient le plus aujourd’hui. Il a laissé partout ses traces : une muraille célèbre dans la Grande-Bretagne, peut-être l’arène de Nîmes et le pont du