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des découvertes dues au hasard ou au génie de l’homme séparoient à jamais les siècles modernes des siècles antiques, et marquoient d’un sceau nouveau les générations nouvelles. La boussole, la poudre à canon, l’imprimerie, étoient trouvées pour guider le navigateur, le défendre et conserver le souvenir de ses périlleuses expéditions.

Les Grecs et les Romains avoient été nourris aux bords de cette étendue d’eau intérieure qui ressemble plutôt à un grand lac qu’à un océan : l’empire ayant passé aux barbares, le centre de la puissance politique se trouva placé principalement en Espagne, en France et en Angleterre, dans le voisinage de cette mer Atlantique qui baignoit, vers l’occident, des rivages inconnus. Il fallut donc s’habituer à braver les longues nuits et les tempêtes, à compter pour rien les saisons, à sortir du port dans les jours de l’hiver comme dans les jours de l’été, à bâtir des vaisseaux dont la force fût en proportion de celle du nouveau Neptune contre lequel ils avoient à lutter.

Nous avons déjà dit un mot des entreprises hardies de ces pirates du Nord qui, selon l’expression d’un panégyriste, sembloient avoir vu le fond de l’abîme à découvert ; d’une autre part les républiques formées en Italie des ruines de Rome, du débris des royaumes des Goths, des Vandales et des Lombards, avoient continué et perfectionné l’ancienne navigation de la Méditerranée. Les flottes vénitiennes et génoises avoient porté les croisés en Égypte, en Palestine, à Constantinople, dans la Grèce ; elles étoient allées chercher à Alexandrie et dans la mer Noire les riches productions de l’Inde.

Enfin, les Portugais poursuivoient en Afrique les Maures, déjà chassés des rives du Tage ; il falloit des vaisseaux pour suivre et nourrir le long des côtes les combattants. Le cap Nunez arrêta longtemps les pilotes ; Jilianez le doubla en 1433 ; l’île de Madère fut découverte ou plutôt retrouvée ; les Açores émergèrent du sein des flots ; et comme on étoit toujours persuadé, d’après Ptolémée, que l’Asie s’approchoit de l’Afrique, on prit les Açores pour les îles qui, selon Marc-Paul, bordoient l’Asie dans la mer des Indes. On a prétendu qu’une statue équestre, montrant l’occident du doigt, s’élevoit sur le rivage de l’île de Corvo ; des monnoies phéniciennes ont été aussi rapportées de cette île.

Du cap Nunez les Portugais surgirent au Sénégal ; ils longèrent successivement les îles du Cap-Vert, la côte de Guinée, le cap Mesurado au midi de Sierra-Leone, le Bénin et le Congo. Barthélemy Diaz atteignit en 1486 le fameux cap des Tourmentes, qu’on appela bientôt d’un nom plus propice.

Ainsi fut reconnue cette extrémité méridionale de l’Afrique qui, d’après