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âge et des deux sexes, quelquefois légèrement enterrés au-dessus de la surface du sol, mais couverts avec soin de plusieurs enveloppes. Un de ces corps en avoit quatre ; la première, d’une peau de cerf séchée et rendue lisse par le frottement ; la seconde étoit également de peau, mais on n’avoit fait qu’en enlever les poils avec un instrument tranchant ; la troisième couverture étoit d’une toile grossière, et la quatrième étoit de la même matière, mais ornée d’un plumage artificiellement arrangé, de manière à mettre le porteur à l’abri du froid et de l’humidité ; enfin, c’étoit un habit de plumes, tel qu’on en fait encore sur la côte nord-ouest[1]. Le corps étoit conservé dans un état de sécheresse qui le fait ressembler à une momie ; mais nulle part on n’y trouva des substances aromatiques ni bitumineuses ; il n’y avoit point d’incision au ventre par où les entrailles auroient pu être extraites. Point de bandages ; la peau étoit entière et d’une teinte noirâtre ou brune (dusky). Le corps étoit dans la position d’un homme huché sur les pieds et le derrière, ayant un bras autour de la cuisse et l’autre sous le siège[2].

Le savant Américain qui nous a fourni ce fait pense avoir observé dans les formes de ce squelette, et surtout de l’angle facial, une grande similitude « avec la race des Malais qui peuple les îles du grand océan Pacifique ».

De semblables momies (comme on les appelle en Amérique) ont été trouvées dans le Tennessee oriental[3]. La couverture en plumes n’y manquoit pas, mais la toile étoit une espèce de papier fait de feuilles de plantes. On avoit placé beaucoup de ces corps dans de petites chambres carrées, formées de dalles de pierre. Dans un de ces rapports, on dit que leurs mains paroissent avoir été de petite dimension, chose qui ne convient pas aux Malais.

La position des corps et les chambres de pierres planes rappellent bien le monument de Kiwik, en Scanie, dont nous avons donné la description dans les anciennes Annales des Voyages ; mais ces deux traits peuvent être communs à beaucoup de peuples : d’ailleurs, les corps de Kiwik étoient sans couvertures, et leur position étoit bien plus courbée ; la chambre étoit bien plus grande et au-dessus de la surface du sol.

Si les squelettes présentent l’angle facial des Malais et les petites mains des Hindous, il est impossible de trouver rien de plus opposé au caractère physique des Scandinaves, des Germains, des Goths et des Celtes.

  1. Nous reviendrons sur cette circonstance.
  2. Lettre de M. Mitchill, Archæologia, p. 318.
  3. Ibid, p. 302.