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que Caracorum, ville capitale de ce kan maître de l’Asie, avoit à peu près l’étendue du village de Saint-Denis : elle étoit environnée d’un mur de terre ; on y voyoit deux mosquées et une église chrétienne.

Il y eut des itinéraires de la Grande-Tartarie à l’usage des missionnaires : André Lusimel prêcha le christianisme aux Mongols ; Ricold de Monte-Crucis pénétra aussi dans la Tartarie.

Le rabbin Benjamin de Tudèle a laissé une relation de ce qu’il a vu ou de ce qu’il a entendu dire sur les trois parties du monde (1160).

Enfin Marc-Paul, noble Vénitien, ne cessa de parcourir l’Asie pendant près de vingt-six années. Il fut le premier Européen qui pénétra dans la Chine, dans l’Inde au delà du Gange, et dans quelques îles de l’océan Indien (1271-95). Son ouvrage devint le manuel de tous les marchands en Asie et de tous les géographes en Europe.

Marc-Paul cite Pékin et Nankin ; il nomme encore une ville de Quinsaï, la plus grande du monde : on comptoit douze mille ponts sur les canaux dont elle étoit traversée ; on y consommoit par jour quatre-vingt-quatorze quintaux de poivre. Le voyageur vénitien fait mention dans ses récits de la porcelaine ; mais il ne parle point du thé : c’est lui qui nous a fait connoître le Bengale, le Japon, l’île de Bornéo, et la mer de la Chine, où il compte sept mille quatre cent quarante îles, riches en épiceries.

Ces princes tartares ou mongols, qui dominèrent l’Asie et passèrent dans quelques provinces de l’Europe, ne furent pas des princes sans mérite ; ils ne sacrifioient ni ne réduisoient leurs prisonniers en esclavage. Leurs camps se remplirent d’ouvriers européens, de missionnaires, de voyageurs, qui occupèrent même sous leur domination des emplois considérables. On pénétroit avec plus de facilité dans leur empire que dans ces contrées féodales où un abbé de Clugny tenoit les environs de Paris pour une contrée si lointaine et si peu connue, qu’il n’osoit s’y rendre.

Après Marc-Paul, vinrent Pegoletti, Oderic, Mandeville, Clavijo, Josaphat, Barbaro : ils achevèrent de décrire l’Asie. Alors on alloit souvent par terre à Pékin ; les frais du voyage s’élevoient de 300 à 350 ducats. Il y avoit un papier monnoie en Chine ; on le nommoit babisci ou balis.

Les Génois et les Vénitiens firent le commerce de l’Inde et de la Chine en caravanes par deux routes différentes : Pegoletti marque dans le plus grand détail les stations d’une des routes (1353). En 1312 on rencontre à Pékin un évêque appelé Jean de Monte Corvino.

Cependant le temps marchoit : la civilisation faisoit des progrès rapides :