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de ces barbares restés dans leur première patrie, les Suédois, les Norvégiens, les Danois, commençoient au nord et à l’ouest d’autres découvertes, également ignorées de l’Europe franque et germanique. Other le Norvégien s’avançoit jusqu’à la mer Blanche, et Wulfstan le Danois décrivoit la mer Baltique, qu’Éginhard avoit déjà décrite, et que les Scandinaves appeloient le Lac salé de l’Est. Wulfstan raconte que les Estiens, ou peuples qui habitoient à l’orient de la Vistule, buvoient le lait de leurs juments comme les Tartares, et qu’ils laissoient leur héritage aux meilleurs cavaliers de leur tribu.

Le roi Alfred nous a conservé l’Abrégé de ces relations. C’est lui qui le premier a divisé la Scandinavie en provinces ou royaumes tels que nous les connoissons aujourd’hui. Dans les langues gothiques, la Scandinavie portoit le nom de Mannaheim, ce qui signifie pays des hommes, et ce que le latin du vie siècle a traduit énergiquement par l’équivalent de ces mots : fabrique du genre humain.

Les pirates normands établirent en Irlande les colonies de Dublin, d’Ulster et de Connaught ; ils explorèrent et soumirent les îles de Shetland, les Orcades et les Hébrides ; ils arrivèrent aux îles Feroer, à l’Islande, devenue les archives de l’histoire du Nord ; au Groënland, qui fut habité alors et habitable, et enfin peut-être à l’Amérique. Nous parlerons plus tard de cette découverte ainsi que du voyage et de la carte des deux frères Zeni.

Mais l’empire des califes s’étoit écroulé ; de ses débris s’étoient formées plusieurs monarchies : le royaume des Aglabites et ensuite des Fatimites en Égypte, les despotats d’Alger, de Fez, de Tripoli, de Maroc, sur les côtes d’Afrique. Les Turcomans, convertis à l’islamisme, soumirent l’Asie occidentale depuis la Syrie jusqu’au mont Casbhar. La puissance ottomane passa en Europe, effaça les dernières traces du nom romain, et poussa ses conquêtes jusqu’au delà du Danube.

Gengis-Kan paroît, l’Asie est bouleversée et subjuguée de nouveau. Oktaï-Kan détruit le royaume des Cumanes et des Nioutchis ; Mangu s’empare du califat de Bagdad ; Kublaï-Kan envahit la Chine et une partie de l’Inde. De cet empire Mongol, qui réunissoit sous un même joug l’Asie presque entière, naissent tous les kanats que les Européens rencontrèrent dans l’Inde.

Les princes européens, effrayés de ces Tartares qui avoient étendu leurs ravages jusque dans la Pologne, la Silésie et la Hongrie, cherchèrent à connoître les lieux d’où partoit ce prodigieux mouvement : les papes et les rois envoyèrent des ambassadeurs à ces nouveaux fléaux de Dieu. Ascelin, Carpin, Rubruquis, pénétrèrent dans le pays des Mongols. Rubruquis trouva