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observé des ossements d’animaux, des cendres, des haricots, ou des grains de maïs carbonisés, objets qui dénotent tous la demeure de créatures humaines. Cette ville a dû avoir une étendue au moins d’un demi-mille de l’est à l’ouest, et de trois quarts de mille du nord au sud ; j’ai pu la déterminer avec assez d’exactitude, d’après mon examen ; mais quelqu’un d’une véracité reconnue m’a assuré que la longueur est d’un mille de l’est à l’ouest. Or, une ville qui couvroit plus de cinq cents acres doit avoir contenu une population qui surpasseroit toutes nos idées de crédibilité.

À un mille à l’est de l’établissement se trouve un cimetière de trois à quatre acres de superficie, et il y en a un autre contigu à l’extrémité occidentale. Cette ville étoit située sur un terrain élevé, à douze milles à peu près des sources salées de l’Onondaga, et bien choisi pour la défense.

Du côté oriental un escarpement perpendiculaire de cent pieds de hauteur aboutit à une profonde ravine où coule un ruisseau ; le côté septentrional en a un semblable. Trois forts, éloignés de huit milles l’un de l’autre, forment un triangle qui environne la ville ; l’un est à un mille au sud du village actuel de Jamesville, et l’autre au nord-est et au sud-est dans Pompey : ils avoient probablement été élevés pour couvrir la cité et pour protéger ses habitants contre les attaques d’un ennemi. Tous ces forts sont de forme circulaire ou elliptique ; des ossements sont épars sur leur emplacement : on coupa un frêne qui s’y trouvoit ; le nombre de ses couches concentriques fit connoître qu’il étoit âgé de quatre-vingt-treize ans. Sur un tas de cendres consommées, qui formoit l’emplacement d’une grande maison, je vis un pin blanc qui avoit huit pieds et demi de circonférence, et dont l’âge étoit au moins de cent trente ans.

La ville avoit probablement été emportée d’assaut par le côté du nord. Il y a, à droite et à gauche, des tombeaux tout près du précipice ; cinq ou six corps ont quelquefois été jetés pêle-mêle dans la même fosse. Si les assaillants avoient été repoussés, les habitants auroient enterré leurs morts à l’endroit accoutumé ; mais ces tombeaux, qui se trouvent près de la ravine et dans l’enceinte du village,’ me donnent lieu de croire que la ville fut prise. Sur le flanc méridional de cette ravine on a découvert un canon de fusil, des balles, un morceau de plomb et un crâne percé d’une balle. Au reste, on trouve des canons de fusil, des haches, des houes et des épées dans tout le voisinage. Je me suis procuré les objets suivants, que je fais passer à la Société, pour qu’elle les dépose dans sa collection : deux canons de fusil mutilés, deux haches, une houe, une cloche sans