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étoit devenu son allié : aussi publia-t-elle des bills afin de défendre aux sujets de S. M. B. de porter des secours aux Américains ; mais en même temps six ou sept mille hommes, enrôles malgré ces bills diplomatiques, alloient soutenir l’insurrection de la Colombie.

Revenue à l’ancien gouvernement, après la restauration de Ferdinand, l’Espagne fit de grandes fautes : le gouvernement constitutionnel, rétabli par l’insurrection des troupes de l’île de Léon, ne se montra pas plus habile ; les cortès furent encore moins favorables à l’émancipation des colonies espagnoles que ne l’avoit été le gouvernement absolu. Bolivar, par son activité et ses victoires, acheva de briser des liens qu’on n’avoit pas cherché d’abord à rompre. Les Anglois, qui étoient partout, au Mexique, à la Colombie, au Pérou, au Chili avec lord Cochrane, finirent par reconnoître publiquement ce qui étoit en grande partie leur ouvrage secret.

On voit donc que les colonies espagnoles n’ont point été, comme les États-Unis, poussées à l’émancipation par un principe puissant de liberté ; que ce principe n’a pas eu à l’origine des troubles cette vitalité, cette force qui annonce la ferme volonté des nations. Une impulsion venue du dehors, des intérêts politiques et des événements extrêmement compliqués, voilà ce qu’on aperçoit au premier coup d’œil. Les colonies se détachoient de l’Espagne, parce que l’Espagne étoit envahie ; ensuite elles se donnoient des constitutions, comme les cortès en donnoient à la mère-patrie ; enfin, on ne leur proposoit rien de raisonnable, et elles ne voulurent pas reprendre le joug. Ce n’est pas tout : l’argent et les spéculations de l’étranger tendoient encore à leur enlever ce qui pouvoit rester de natif et de national à leur liberté.

De 1822 à 1826 dix emprunts ont été faits en Angleterre pour les colonies espagnoles, montant à la somme de 20,978,000 liv. sterl. Ces emprunts, l’un portant l’autre, ont été contractés à 75 c. Puis on a défalqué sur ces emprunts deux années d’intérêt à 6 pour 100 ; ensuite on a retenu pour 7,000,000 de liv. sterl. de fournitures. De compte fait, l’Angleterre a déboursé une somme réelle de 7,000,000 de liv. sterl., ou 175,000,000 de francs ; mais les républiques espagnoles n’en restent pas moins grevées d’une dette de 20,978,000 liv. sterl.

À ces emprunts, déjà excessifs, vinrent se joindre cette multitude d’associations ou de compagnies destinées à exploiter les mines, pêcher des perles, creuser les canaux, ouvrir les chemins, défricher les terres de ce nouveau monde qui sembloit découvert pour la première fois. Ces compagnies s’élevèrent au nombre de vingt-neuf, et le capital nomi-