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le midi, se joint à une terre inconnue, laquelle terre se réunit par l’ouest à l’Afrique. Dans la Sérique de ce géographe il faut voir le Thibet, lequel fournit à Rome la première grosse soie.

Avec Ptolémée finit l’histoire des voyages des anciens, et Pausanias nous fait voir le dernier cette Grèce antique, dont le génie s’est noblement réveillé de nos jours à la voix de la civilisation nouvelle. Les nations barbares paroissent, l’empire romain s’écroule ; de la race des Goths, des Francs, des Huns, des Slaves, sortent un autre monde et d’autres voyageurs.

Ces peuples étoient eux-mêmes de grandes caravanes armées, qui des rochers de la Scandinavie et des frontières de la Chine marchoient à la découverte de l’empire romain. Ils venoient apprendre à ces prétendus maîtres du monde qu’il y avoit d’autres hommes que les esclaves soumis au joug des Tibère et des Néron ; ils venoient enseigner leur pays aux géographes du Tibre : il fallut bien placer ces nations sur la carte ; il fallut bien croire à l’existence des Goths et des Vandales quand Alaric et Genseric eurent écrit leurs noms sur les murs du Capitole. Je ne prétends point raconter ici les migrations et les établissements des barbares ; je chercherai seulement dans les débris qu’ils entassèrent les anneaux de la chaîne qui lie les voyageurs anciens aux voyageurs modernes.

Un déplacement notable s’opéra dans les investigations géographiques par le déplacement des peuples. Ce que les anciens nous font le mieux connoître, c’est le pays qu’ils habitoient ; au delà des frontières de l’Empire Romain tout est pour eux déserts et ténèbres. Après l’invasion des barbares nous ne savons presque plus rien de la Grèce et de l’Italie, mais nous commençons à pénétrer les contrées qui enfantèrent les destructeurs de l’ancienne civilisation.

Trois sources reproduisirent les voyages parmi les peuples établis sur les ruines du monde romain : le zèle de la religion, l’ardeur des conquêtes, l’esprit d’aventures et d’entreprises, mêlé à l’avidité du commerce.

Le zèle de la religion conduisit les premiers comme les derniers missionnaires dans les pays les plus lointains. Avant le ive siècle, et pour ainsi dire du temps des apôtres, qui furent eux-mêmes des pèlerins, les prêtres du vrai Dieu portoient de toutes parts le flambeau de la foi. Tandis que le sang des martyrs couloit dans les amphithéâtres, des ministres de paix prêchoient la miséricorde aux vengeurs du sang chrétien : les conquérants étoient déjà en partie conquis par l’Évangile lorsqu’ils arrivèrent sous les murs de Rome.

Les ouvrages des Pères de l’Église mentionnent une foule de pieux voya-