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CONCLUSION.

ÉTATS-UNIS.

Si je revoyois aujourd’hui les États-Unis, je ne les reconnoîtrois plus : là où j’ai laissé des forêts, je trouverois des champs cultivés ; là où je me suis frayé un chemin à travers les halliers, je voyagerois sur de grandes routes. Le Mississipi, le Missouri, l’Ohio, ne coulent plus dans la solitude ; de gros vaisseaux à trois mâts les remontent, plus de deux cents bateaux à vapeur en vivifient les rivages. Aux Natchez, au lieu de la hutte de Céluta, s’élève une ville charmante d’environ cinq mille habitants. Chactas pourroit être aujourd’hui député au congrès et se rendre chez Atala par deux routes, dont l’une mène à Saint-Étienne, sur le Tumbec-bee, et l’autre aux Natchitochès : un livre de poste lui indiqueroit les relais au nombre de onze : Washington, Franklin, Homochitt, etc.

L’Alabama et le Tennessée sont divisés, le premier en trente-trois comtés, et il contient vingt-et-une villes ; le second en cinquante-et-un comtés, et il renferme quarante-huit villes. Quelques-unes de ces villes, telles que Cahawba, capitale de l’Alabama, conservent leur dénomination sauvage, mais elles sont environnées d’autres villes différemment désignées : il y a chez les Muscogulges, les Siminoles, les Chéroquois et les Chicassais, une cité d’Athènes, une autre de Marathon, une autre de Carthage, une autre de Memphis, une autre de Sparte, une autre de Florence, une autre d’Hampden, des comtés de Colombie et de Marengo : la gloire de tous les pays a placé un nom dans ces mêmes déserts où j’ai rencontré le père Aubry et l’obscure Atala.

Le Kentucky montre un Versailles ; un comté appelé Bourbon a pour capitale Paris. Tous les exilés, tous les opprimés qui se sont retirés en Amérique, y ont porté la mémoire de leur patrie.

....Falsi Simoentis ad undam
Libabat cineri Andromache.

Les États-Unis offrent donc dans leur sein, sous la protection de la liberté, une image et un souvenir de la plupart des lieux célèbres de l’ancienne et de la moderne Europe, semblables à ce jardin de la campagne de Rome où Adrien avoit fait répéter les divers monuments de son empire.

Remarquons qu’il n’y a presque point de comtés qui ne renferment