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Ces familles étoient la souche des trois tribus principales : l’une de ces tribus jouissoit d’une sorte de prééminence ; les membres de cette première tribu se traitoient de frères, et les membres des deux autres tribus de cousins.

Ces trois tribus portoient le nom des tribus huronnes : la tribu du Chevreuil, celle du Loup, celle de la Tortue. La dernière se partageoit en deux branches, la grande et la petite Tortue.

Le gouvernement, extrêmement compliqué, se composoit de trois conseils : le conseil des assistants, le conseil des vieillards, le conseil des guerriers en état de porter les armes, c’est-à-dire du corps de la nation.

Chaque famille fournissoit un député au conseil des assistants ; ce député étoit nommé par les femmes, qui choisissoient souvent une femme pour les représenter. Le conseil des assistants étoit le conseil suprême : ainsi la première puissance appartenoit aux femmes dont les hommes ne se disoient que les lieutenants ; mais le conseil des vieillards prononçoit en dernier ressort, et devant lui étoient portées en appel les délibérations du conseil des assistants.

Les Iroquois avoient pensé qu’on ne se devoit pas priver de l’assistance d’un sexe dont l’esprit, délié et ingénieux, est fécond en ressources et sait agir sur le cœur humain ; mais ils avoient aussi pensé que les arrêts d’un conseil de femmes pourroient être passionnés : ils avoient voulu que ces arrêts fussent tempérés et comme refroidis par le jugement des vieillards. On retrouvoit ce conseil des femmes chez nos pères les Gaulois.

Le second conseil, ou le conseil des vieillards, étoit le modérateur entre le conseil des assistants et le conseil composé du corps des jeunes guerriers.

Tous les membres de ces trois conseils n’avoient pas le droit de prendre la parole : des orateurs choisis par chaque tribu traitoient devant les conseils des affaires de l’État : ces orateurs faisoient une étude particulière de la politique et de l’éloquence.

Cette coutume, qui seroit un obstacle à la liberté chez les peuples civilisés de l’Europe, n’étoit qu’une mesure d’ordre chez les Iroquois. Parmi ces peuples, on ne sacrifioit rien de la liberté particulière à la liberté générale. Aucun membre des trois conseils ne se regardoit lié individuellement par la délibération des conseils. Toutefois il étoit sans exemple qu’un guerrier eût refusé de s’y soumettre.

La nation iroquoise se divisoit en cinq cantons : ces cantons n’étoient point dépendants les uns des autres ; ils pouvoient faire la paix et la guerre séparément. Les cantons neutres leur offroient dans ces cas leurs bons offices.