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gues) produisoient l’étain : or l’étain se tiroit des mines de Cornouailles ; et lorsque le géographe grec écrivoit, il y avoit déjà longtemps que l’étain d’Albion arrivoit au monde romain à travers les Gaules.

Dans la Gaule ou la Celtique, Strabon supprime à peu près la péninsule armoricaine ; il ne connoît point la Baltique, quoiqu’elle passât déjà pour un grand lac salé, le long duquel on trouvoit la côte de l’Ambre jaune, la Prusse d’aujourd’hui.

À l’époque où florissoit Strabon, Hippalus fixa la navigation de l’Inde par le golfe Arabique, en expérimentant les vents réguliers que nous appelons moussons : un de ces vents, le vent du sud-ouest, celui qui conduisoit dans l’Inde, prit le nom d’Hippale. Des flottes romaines partoient régulièrement du port de Bérénice vers le milieu de l’été, arrivoient en trente jours au port d’Océlis ou à celui de Cané dans l’Arabie, et de là en quarante jours à Muziris, premier entrepôt de l’Inde. Le retour, en hiver, s’accomplissoit dans le même espace de temps ; de sorte que les anciens ne mettoient pas cinq mois pour aller aux Indes et pour en revenir. Pline et le Périple de la mer Érythréenne (dans les petits géographes) fournissent ces détails curieux.

Après Strabon, Denis le Périégète, Pomponius Mela, Isidore de Charax, Tacite et Pline, ajoutent aux connoissances déjà acquises sur les nations. Pline surtout est précieux par le nombre des voyages et des relations qu’il cite. En le lisant nous voyons que nous avons perdu une description complète de l’empire romain faite par ordre d’Agrippa, gendre d’Auguste ; que nous avons perdu également des Commentaires sur l’Afrique par le roi Juba, commentaires extraits des livres carthaginois ; que nous avons perdu une relation des îles Fortunées par Statius Sebosus, des Mémoires sur l’Inde par Sénèque, un Périple de l’historien Polybe, trésors à jamais regrettables. Pline sait quelque chose du Thibet ; il fixe le point oriental du monde à l’embouchure du Gange ; au nord, il entrevoit les Orcades ; il connoit la Scandinavie et donne le nom de golfe Codan à la mer Baltique.

Les anciens avoient à la fois des cartes routières et des espèces de livres de poste : Végèse distingue les premières par le nom de picta, et les seconds par celui d’annotata. Trois de ces itinéraires nous restent : l’Itinéraire d’Antonin, l’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem et la Table de Peutinger. Le haut de cette table, qui commençoit à l’ouest, a été déchiré ; la Péninsule espagnole manque, ainsi que l’Afrique occidentale ; mais la table s’étend à l’est jusqu’à l’embouchure du Gange, et marque des routes dans l’intérieur de l’Inde.