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La ville de sang est appelée Coweta ; elle est située à douze milles d’Apalachucla : c’est là que l’on délibère de la guerre.

On remarque dans la confédération des Creeks les sauvages qui habitent le beau village d’Uche, composé de deux mille habitants, et qui peut armer cinq cents guerriers. Ces sauvages parlent la langue savanna ou savantica, langue radicalement différente de la langue muscogulge. Les alliés du village d’Uche sont ordinairement, dans le conseil, d’un avis différent des autres alliés, qui les voient avec jalousie ; mais on est assez sage de part et d’autre pour n’en pas venir à une rupture.

Les Siminoles, moins nombreux que les Muscogulges, n’ont guère que neuf villages, tous situés sur la rivière Flint. Vous ne pouvez faire un pas dans leur pays sans découvrir des savanes, des lacs, des fontaines, des rivières de la plus belle eau.

Le Siminole respire la gaieté, le contentement, l’amour ; sa démarche est légère, son abord ouvert et serein ; ses gestes décèlent l’activité de la vie : il parle beaucoup et avec volubilité ; son langage est harmonieux et facile. Ce caractère aimable et volage est si prononcé chez ce peuple, qu’il peut à peine prendre un maintien digne dans les assemblées politiques de la confédération.

Les Siminoles et les Muscogulges sont d’une assez grande taille, et, par un contraste extraordinaire, leurs femmes sont la plus petite race de femmes connue en Amérique : elles atteignent rarement la hauteur de quatre pieds deux ou trois pouces ; leurs mains et leurs pieds ressemblent à ceux d’une Européenne de neuf ou dix ans. Mais la nature les a dédommagées de cette espèce d’injustice : leur taille est élégante et gracieuse ; leurs yeux sont noirs, extrêmement longs, pleins de langueur et de modestie. Elles baissent leurs paupières avec une sorte de pudeur voluptueuse : si on ne les voyoit pas, lorsqu’elles parlent, on croiroit entendre des enfants qui ne prononcent que des mots à moitié formés.

Les femmes creeks travaillent moins que les autres femmes indiennes : elles s’occupent de broderies, de teinture et d’autres petits ouvrages. Les esclaves leur épargnent le soin de cultiver la terre ; mais elles aident pourtant, ainsi que les guerriers, à recueillir la moisson.

Les Muscogulges sont renommés pour la poésie et pour la musique. La troisième nuit de la fête du maïs nouveau, on s’assemble dans la galerie du conseil ; on se dispute le prix du chant. Ce prix est décerné, à la pluralité des voix, par le mico : c’est une branche de chêne vert : les Hellènes briguoient une branche d’olivier. Les femmes concourent, et souvent obtiennent la couronne ; une de leurs odes est restée célèbre :