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Ce sont là de notables erreurs. On retrouve parmi les sauvages le type de tous les gouvernements connus des peuples civilisés, depuis le despotisme jusqu’à la république, en passant par la monarchie limitée ou absolue, élective ou héréditaire.

Les Indiens de l’Amérique septentrionale connoissent les monarchies et les républiques représentatives ; le fédéralisme étoit une des formes politiques les plus communes employées par eux : l’étendue de leur désert avoit fait pour la science de leurs gouvernements ce que l’excès de la population a produit pour les nôtres.

L’erreur où l’on est tombé relativement à l’existence politique du gouvernement sauvage est d’autant plus singulière, que l’on auroit dû être éclairé par l’histoire des Grecs et des Romains : à la naissance de leur empire ils avoient des institutions très-compliquées.

Les lois politiques naissent chez les hommes avant les lois civiles, qui sembleroient néanmoins devoir précéder les premières ; mais il est de fait que le pouvoir s’est réglé avant le droit, parce que les hommes ont besoin de se défendre contre l’arbitraire avant de fixer les rapports qu’ils ont entre eux.

Les lois politiques naissent spontanément avec l’homme, et s’établissent sans antécédents ; on les rencontre chez les hordes les plus barbares.

Les lois civiles, au contraire, se forment par les usages : ce qui étoit une coutume religieuse pour le mariage d’une fille et d’un garçon, pour la naissance d’un enfant, pour la mort d’un chef de famille, se transforme en loi par le laps de temps. La propriété particulière, inconnue des peuples chasseurs, est encore une source de lois civiles qui manquent à l’état de nature. Aussi n’existoit-il point chez les Indiens de l’Amérique septentrionale de code de délits et de peines. Les crimes contre les choses et les personnes étoient punis par la famille, non par la loi. La vengeance étoit la justice : le droit naturel poursuivoit chez l’homme sauvage ce que le droit public atteint chez l’homme policé.

Rassemblons d’abord les traits communs à tous les gouvernements des sauvages, puis nous entrerons dans le détail de chacun de ces gouvernements.

Les nations indiennes sont divisées en tribus ; chaque tribu a un chef héréditaire différent du chef militaire, qui tire son droit de l’élection, comme chez les anciens Germains.

Les tribus portent un nom particulier : la tribu de l’Aigle, de l’Ours, du Castor, etc. Les emblèmes qui servent à distinguer les tribus deviennent des enseignes à la guerre, des sceaux au bas des traités.