Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des Outouois. Une hutte dont le toit est plat et exhaussé annonce des chairs blanches. Il arrive quelquefois que les ennemis, avant d’être rencontrés par la nation qui les cherche, ont battu un parti allié de cette nation : pour intimider ceux qui sont à leur poursuite, ils laissent derrière eux un monument de leur victoire. On trouva un jour un large bouleau dépouillé de son écorce. Sur l’obier nu et blanc étoit tracé un ovale où se détachoient, en noir et en rouge, les figures suivantes : un ours, une feuille de bouleau rongée par un papillon, dix cercles et quatre nattes, un oiseau volant, une lune sur des gerbes de maïs, un canot et trois ajoupas, un pied d’homme et vingt huttes, un hibou et un soleil à son couchant, un hibou, trois cercles et un homme couché, un casse-tête et trente têtes rangées sur une ligne droite, deux hommes debout sur un petit cercle, trois têtes dans un arc avec trois lignes.

L’ovale avec des hiéroglyphes désignoit un chef illinois appelé Atabou ; on le reconnoissoit par les marques particulières qui étoient celles qu’il avoit au visage ; l’ours étoit le manitou de ce chef ; la feuille de bouleau rongée par un papillon représentoit le symbole national des Illinois ; les dix cercles nombroient mille guerriers, chaque cercle étant posé pour cent ; les quatre nattes proclamoient quatre avantages obtenus ; l’oiseau volant marquoit le départ des Illinois ; la lune sur des gerbes de maïs signifioit que ce départ avoit eu lieu dans la lune du blé vert ; le canot et les trois ajoupas racontoient que les mille guerriers avoient voyagé trois jours par eau ; le pied d’homme et les vingt huttes dénotoient vingt jours de marche par terre ; le hibou étoit le symbole des Chicassas ; le soleil à son couchant montroit que les Illinois étoient arrivés à l’ouest du camp des Chicassas ; le hibou, les trois cercles et l’homme couché, disoient que trois cents Chicassas avoient été surpris pendant la nuit ; le casse-tête et les trente têtes rangées sur une ligne droite déclaroient que les Illinois avoient tué trente Chicassas. Les deux hommes debout sur un petit cercle annonçoient qu’ils emmenoient vingt prisonniers ; les trois têtes dans l’arc comptoient trois morts du côté des Illinois, et les trois lignes indiquoient trois blessés.

Un chef de guerre doit savoir expliquer avec rapidité et précision ces emblèmes ; et par les connoissances qu’il a de la force et des alliances de l’ennemi, il doit juger du plus ou moins d’exactitude historique de ces trophées. S’il prend le parti d’avancer, malgré les victoires vraies ou prétendues de l’ennemi, il se prépare au combat.

De nouveaux investigateurs sont dépêchés. Ils s’avancent en se courbant le long des buissons, et quelquefois en se traînant sur les