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leurs plaies ; je leur enlèverai la peau du crâne ; je leur arracherai le cœur, et je le leur enfoncerai dans la bouche. »

Ces infernales chansons n’étoient guère hurlées que par les hordes septentrionales. Les tribus du midi se contentoient d’étouffer les prisonniers dans la fumée.

Le guerrier, ayant répété sa chanson de guerre, redit sa chanson de famille : elle consiste dans l’éloge des aïeux. Les jeunes gens qui vont au combat pour la première fois gardent le silence.

Ces premières cérémonies achevées, le chef se rend au conseil des sachems, qui sont assis en rond, une pipe rouge à la bouche : il leur demande s’ils persistent à vouloir lever la hache. La délibération recommence, et presque toujours la première résolution est confirmée. Le chef de guerre revient sur la place publique, annonce aux jeunes gens la décision des vieillards, et les jeunes gens y répondent par un cri.

On délie le chien sacré qui étoit attaché à un poteau ; on l’offre à Areskoui, dieu de la guerre. Chez les nations canadiennes, on égorge ce chien, et, après l’avoir fait bouillir dans une chaudière, on le sert aux hommes rassemblés. Aucune femme ne peut assister à ce festin mystérieux. À la fin du repas, le chef déclare qu’il se mettra en marche tel jour, au lever ou au coucher du soleil.

L’indolence naturelle des sauvages est tout à coup remplacée par une activité extraordinaire ; la gaieté et l’ardeur martiale des jeunes gens se communiquent à la nation. Il s’établit des espèces d’ateliers pour la fabrique des traîneaux et des canots.

Les traîneaux employés au transport des bagages, des malades et des blessés, sont faits de deux planches fort minces, d’un pied et demi de long sur sept pouces de large, relevés sur le devant. Ils ont des rebords où s’attachent des courroies pour fixer les fardeaux. Les sauvages tirent ce char sans roues à l’aide d’une double bande de cuir, appelée metump, qu’ils se passent sur la poitrine, et dont les bouts sont liés à l’avant-train du traîneau.

Les canots sont de deux espèces, les uns plus grands, les autres plus petits. On les construit de la manière suivante :

Des pièces courbes s’unissent par leur extrémité, de façon à former une ellipse d’environ huit pieds et demi dans le court diamètre, de vingt dans le diamètre long. Sur ces maîtresses pièces on attache des côtes minces de bois de cèdre rouge ; ces côtes sont renforcées par un treillage d’osier. On recouvre ce squelette du canot de l’écorce enlevée pendant l’hiver, aux ormes et aux bouleaux, en jetant de l’eau bouillante sur le tronc de ces arbres. On assemble ces écorces avec des