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branches étagées sont aussi couvertes de neige. La tête de la victime, peinte de rouge et de bleu, est exposée au haut d’un poteau. Des orateurs lui adressent la parole ; il prodiguent les louanges au mort, tandis qu’ils dévorent ses membres. « Comme tu montois au haut des arbres ! quelle force dans tes étreintes ! quelle constance dans tes entreprises ! quelle sobriété dans tes jeûnes ! Guerrier à l’épaisse fourrure, au printemps les jeunes ourses brûloient d’amour pour toi. Maintenant tu n’es plus ; mais ta dépouille fait encore les délices de ceux qui la possèdent. »

On voit souvent assis pêle-mêle avec les sauvages à ces festins des dogues, des ours et des loutres apprivoisés.

Les Indiens prennent pendant cette chasse des engagements qu’ils ont de la peine à remplir. Ils jurent, par exemple, de ne point manger avant d’avoir porté la patte du premier ours qu’ils tueront à leur mère ou à leur femme, et quelquefois leur mère et leur femme sont à trois ou quatre cents milles de la forêt où ils ont assommé la bête. Dans ces cas on consulte le jongleur, lequel, au moyen d’un présent, accommode l’affaire. Les imprudents faiseurs de vœux en sont quittes pour brûler en l’honneur du Grand-Lièvre la partie de l’animal qu’ils avoient dévouée à leurs parents.

La chasse de l’ours finit vers la fin de février, et c’est à cette époque que commence celle de l’orignal. On trouve de grandes troupes de ces animaux dans les jeunes semis de sapins.

Pour les prendre, on enferme un terrain considérable dans deux triangles de grandeur inégale, et formés de pieux hauts et serrés. Ces deux triangles se communiquent par un de leurs angles, à l’issue duquel on tend des lacets. La base du plus grand triangle reste ouverte, et les guerriers s’y rangent sur une seule ligne. Bientôt ils s’avancent poussant de grands cris, frappant sur une espèce de tambour. Les orignaux prennent la fuite dans l’enclos cerné par les pieux. Ils cherchent en vain un passage, arrivent au détroit fatal, et demeurent embarrassés dans les filets. Ceux qui les franchissent se précipitent dans le petit triangle, où ils sont aisément percés de flèches.

La chasse du bison a lieu pendant l’été, dans les savanes qui bordent le Missouri ou ses affluents. Les Indiens, battant la plaine, poussent les troupeaux vers le courant d’eau. Quand ils refusent de fuir, on embrase les herbes, et les bisons se trouvent resserrés entre l’incendie et le fleuve. Quelques milliers de ces pesants animaux mugissant à la fois, traversant la flamme ou l’onde, tombant atteints par la balle ou percés par l’épieu, offrent un spectacle étonnant.

Les sauvages emploient encore d’autres moyens d’attaque contre les