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les ours vivants. Chaque guerrier chante ses anciens exploits contre les bêtes fauves.

Les chansons finies, on part complètement armé. Arrivés au bord d’un fleuve, les guerriers, tenant une pagaye à la main, s’asseyent deux à deux dans le fond des canots. Au signal donné par le chef, les canots se rangent à la file : celui qui tient la tête sert à rompre l’effort de l’eau lorsqu’on navigue contre le cours du fleuve. À ces expéditions, on mène des meutes, et l’on porte des lacets, des pièges, des raquettes à neige.

Lorsqu’on est parvenu au rendez-vous, les canots sont tirés à terre et environnés d’une palissade revêtue de gazon. Le chef divise les Indiens en compagnies composées d’un même nombre d’individus. Après le partage des chasseurs, on procède au partage du pays de chasse. Chaque compagnie bâtit une hutte au centre du lot qui lui est échu.

Le neige est déblayée, des piquets sont enfoncés en terre, et des écorces de bouleau appuyées contre ces piquets : sur ces écorces, qui forment les murs de la hutte, s’élèvent d’autres écorces inclinées l’une vers l’autre ; c’est le toit de l’édifice : un trou ménagé dans ce toit laisse échapper la fumée du foyer. La neige bouche en dehors les vides de la bâtisse, et lui sert de ravalement ou de crépi. Un brasier est allumé au milieu de la cabane ; des fourrures couvrent le sol ; les chiens dorment sur les pieds de leurs maîtres ; loin de souffrir du froid, on étouffe. La fumée remplit tout : les chasseurs, assis ou couchés, tâchent de se placer au-dessous de cette fumée.

On attend que les neiges soient tombées, que le vent du nord-est, en rassérénant le ciel, ait amené un froid sec, pour commencer la chasse du castor. Mais, pendant les jours qui précèdent cette nuaison on s’occupe de quelques chasses intermédiaires, telles que celles des outres, des renards et des rats musqués.

Les trappes employées contre ces animaux sont des planches plus ou moins épaisses, plus ou moins larges. On fait un trou dans la neige : une des extrémités des planches est posée à terre, l’autre extrémité est élevée sur trois morceaux de bois agencés dans la forme du chiffre 4. L’amorce s’attache à l’un des jambages de ce chiffre ; l’animal qui la veut saisir s’introduit sous la planche, tire à soi l’appât, abat la trappe, est écrasé.

Les amorces diffèrent selon les animaux auxquels elles sont destinées : au castor on présente un morceau de bois de tremble, au renard et au loup un lambeau de chair, au rat musqué des noix et divers fruits secs.

On tend les trappes pour les loups à l’entrée des passes, au débouché d’un fourré ; pour les renards, au penchant des collines, à quel-