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l’ouest du Canada, le Mississipi, le Missouri, l’Osage, etc. On ne sait rien encore ou presque rien de sa grammaire.

L’algonquin et le huron sont des langues mères de tous les peuples de la partie de l’Amérique septentrionale comprise entre les sources du Mississipi, la baie d’Hudson et l’Atlantique, jusqu’à la côte de la Caroline. Un voyageur qui sauroit ces deux langues pourroit parcourir plus de dix-huit cents lieues de pays sans interprète, et se faire entendre de plus de cent peuples.

La langue algonquine commençoit à l’Acadie et au golfe Saint-Laurent ; tournant du sud-est par le nord jusqu’au sud-ouest, elle embrassoit une étendue de douze cents lieues. Les indigènes de la Virginie la parloient ; au delà, dans les Carolines, au midi, dominoit la langue chicassaise. L’idiome algonquin, au nord, venoit finir chez les Cypowois. Plus loin encore, au septentrion, paroît la langue des Esquimaux ; à l’ouest, la langue algonquine touchoit la rive gauche du Mississipi : sur la rive droite règne la langue siouse.

L’algonquin a moins d’énergie que le huron ; mais il est plus doux, plus élégant et plus clair : on l’emploie ordinairement dans les traités ; il passe pour la langue polie ou la langue classique du désert.

Le huron étoit parlé par le peuple qui lui a donné son nom, et par les Iroquois, colonie de ce peuple.

Le huron est une langue complète ayant ses verbes, ses noms, ses pronoms et ses adverbes. Les verbes simples ont une double conjugaison, l’une absolue, l’autre réciproque ; les troisièmes personnes ont les deux genres, et les nombres et les temps suivent le mécanisme de la langue grecque. Les verbes actifs se multiplient à l’infini, comme dans la langue chicassaise.

Le huron est sans labiales ; on le parle du gosier, et presque toutes les syllabes sont aspirées. La diphthongue ou forme un son extraordinaire qui s’exprime sans faire aucun mouvement des lèvres. Les missionnaires, ne sachant comment l’indiquer, l’ont écrit par le chiffre 8.

Le génie de cette noble langue consiste surtout à personnifier l’action, c’est-à-dire à tourner le passif par l’actif. Ainsi, l’exemple est cité par le père Rasle : « Si vous demandiez à un Européen pourquoi Dieu l’a créé, il vous diroit : C’est pour le connoître, l’aimer, le servir et par ce moyen mériter la gloire éternelle. »

Un sauvage vous répondroit dans la langue huronne : « Le Grand-Esprit a pensé de nous : qu’ils me connoissent, qu’ils m’aiment, qu’ils me servent, alors je les ferai entrer dans mon illustre félicité. »

La langue huronne ou iroquoise a cinq principaux dialectes.