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abasoutchenza, à cause de sa forme : c’est le ginseng des Chinois. Avec la seconde écorce de sassafras, ils coupent les fièvres intermittentes : les racines du lycnis à feuilles de lierre leur servent pour faire passer les enflures du ventre ; ils emploient le bellis du Canada, haut de six pieds, dont les feuilles sont grasses et cannelées, contre la gangrène : il nettoie complètement les ulcères, soit qu’on le réduise en poudre, soit qu’on l’applique cru et broyé.

L’hédisaron à trois feuilles, dont les fleurs rouges sont disposées en épi, a la même vertu que le bellis.

Selon les Indiens, la forme des plantes a des analogies et des ressemblances avec les différentes parties du corps humain que ces plantes sont destinées à guérir, ou avec les animaux malfaisants dont elles neutralisent le venin. Cette observation mériteroit d’être suivie : les peuples simples, qui dédaignent moins que nous les indications de la Providence, sont moins sujets que nous à s’y tromper.

Un des grands moyens employés par les sauvages dans beaucoup de maladies, ce sont les bains de vapeur. Ils bâtissent à cet effet une cabane qu’ils appellent la cabane des sueurs. Elle est construite avec des branches d’arbres plantées en rond et attachées ensemble par la cime, de manière à former un cône ; on les garnit en dehors de peaux de différents animaux : on y ménage une très-petite ouverture pratiquée contre terre, et par laquelle on entre en se traînant sur les genoux et sur les mains. Au milieu de cette étuve est un bassin plein d’eau que l’on fait bouillir en y jetant des cailloux rougis au feu ; la vapeur qui s’élève de ce bassin est brûlante, et en moins de quelques minutes le malade se couvre de sueur.

La chirurgie n’est pas à beaucoup près aussi avancée que la médecine parmi les Indiens. Cependant ils sont parvenus à suppléer à nos instruments par des inventions ingénieuses. Ils entendent très-bien les bandages applicables aux fractures simples : ils ont des os aussi pointus que des lancettes pour saigner et pour scarifier les membres rhumatisés ; ils sucent le sang à l’aide d’une corne, et en tirent la quantité prescrite. Des courges pleines de matières combustibles auxquelles ils mettent le feu leur tiennent lieu de ventouses. Ils ouvrent des ustions avec des nerfs de chevreuil, ils font des siphons avec les vessies des divers animaux.

Les principes de la boîte fumigatoire employée quelque temps en Europe, dans le traitement des noyés, sont connus des Indiens. Ils se servent à cet effet d’un large boyau fermé à l’une des extrémités, ouvert à l’autre par un petit tube de bois ; on enfle ce boyau avec de la fumée, et l’on fait entrer cette fumée dans les intestins du noyé.