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léger de digestion, est d’une couleur verdâtre, d’un goût agréable et un peu acide.

La seconde récolte a lieu quand la sève de l’arbre n’a pas assez de consistance pour se changer en suc. Cette sève se condense en une espèce de mélasse qui, étendue dans de l’eau de fontaine, offre une liqueur fraîche pendant les chaleurs de l’été.

On entretient avec grand soin le bois d’érable de l’espèce rouge et blanche. Les érables les plus productifs sont ceux dont l’écorce paroît noire et galeuse. Les sauvages ont cru observer que ces accidents sont causés par le pivert noir à tête rouge, qui perce l’érable dont la sève est la plus abondante. Ils respectent ce pivert comme un oiseau intelligent et un bon génie.

À quatre pieds de terre environ, on ouvre dans le tronc d’érable deux trous de trois quarts de pouce de profondeur, et perforés du haut en bas pour faciliter l’écoulement de la sève.

Ces deux premières incisions sont tournées au midi ; on en pratique deux autres semblables du côté du nord. Ces quatre taillades sont ensuite creusées, à mesure que l’arbre donne sa sève, jusqu’à la profondeur de deux pouces et demi.

Deux auges de bois sont placées aux deux faces de l’arbre au nord et au midi, et des tuyaux de sureau introduits dans les fentes servent à diriger la sève dans ces auges.

Toutes les vingt-quatre heures on enlève le suc écoulé ; on le porte sous des hangars couverts d’écorce ; on le fait bouillir dans un bassin de pierre en l’écumant. Lorsqu’il est réduit à moitié par l’action d’un feu clair, on le transvase dans un autre bassin, où l’on continue à le faire bouillir jusqu’à ce qu’il ait pris la consistance d’un sirop. Alors, retiré du feu, il repose pendant douze heures. Au bout de ce temps on le précipite dans un troisième bassin, prenant soin de ne pas remuer le sédiment tombé au fond de la liqueur.

Ce troisième bassin est à son tour remis sur des charbons demi-brûlés et sans flamme. Un peu de graisse est jetée dans le sirop pour l’empêcher de surmonter les bords du vase. Lorsqu’il commence à filer, il faut se hâter de le verser dans un quatrième et dernier bassin de bois, appelé le refroidisseur. Une femme vigoureuse le remue en rond, sans discontinuer, avec un bâton de cèdre, jusqu’à ce qu’il ait pris le grain du sucre. Alors elle le coule dans des moules d’écorce qui donnent au fluide coagulé la forme de petits pains coniques : l’opération est terminée.

Quand il ne s’agit que des mélasses, le procédé finit au second feu.

L’écoulement des érables dure quinze jours, et ces quinze jours