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Le mari ne demeure pas sans leçons : un casse-tête, un arc, une pagaye, lui annoncent ses devoirs : combattre, chasser et naviguer. Chez quelques tribus, un lézard vert, de cette espèce dont les mouvements sont si rapides que l’œil peut à peine les saisir, des feuilles mortes entassées dans une corbeille, font entendre au nouvel époux que le temps fuit et que l’homme tombe. Ces peuples enseignent par des emblèmes la morale de la vie, et rappellent la part des soins que la nature a distribués à chacun de ses enfants.

Les deux époux enfermés dans le double cercle des douze parents ayant déclaré qu’ils veulent s’unir, le plus vieux parent prend le roseau de six pieds ; il le sépare en douze morceaux, lesquels il distribue aux douze témoins : chaque témoin est obligé de représenter sa portion de roseau pour être réduite en cendre si les époux demandent un jour le divorce.

Les jeunes filles qui ont amené l’épouse à la cabane du plus vieux parent l’accompagnent avec des chants à la hutte nuptiale ; les jeunes guerriers y conduisent de leur côté le nouvel époux. Les conviés à la fête retournent à leurs villages : ils jettent en sacrifice aux Manitous des morceaux de leurs habits dans les fleuves, et brûlent une part de leur nourriture.

En Europe, afin d’échapper aux lois militaires on se marie : parmi les sauvages de l’Amérique septentrionale, nul ne se pouvoit marier qu’après avoir combattu pour la patrie. Un homme n’étoit jugé digne d’être père que quand il avoit prouvé qu’il sauroit défendre ses enfants. Par une conséquence de cette mâle coutume, un guerrier ne commençoit à jouir de la considération publique que du jour de son mariage.

La pluralité des femmes est permise ; un abus contraire livre quelquefois une femme à plusieurs maris : des hordes plus grossières offrent leurs femmes et leurs filles aux étrangers. Ce n’est pas une dépravation, mais le sentiment profond de leur misère qui pousse ces Indiens à cette sorte d’infamie ; ils pensent rendre leur famille plus heureuse en changeant le sang paternel.

Les sauvages du nord-ouest voulurent avoir de la race du premier nègre qu’ils aperçurent : ils le prirent pour un mauvais esprit : ils espérèrent qu’en le naturalisant chez eux ils se ménageroient des intelligences et des protecteurs parmi les génies noirs.

L’adultère dans la femme étoit autrefois puni chez les Hurons par la mutilation du nez : on vouloit que la faute restât gravée sur le visage.

En cas de divorce, les enfants sont adjugés à la femme : chez les