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Alors commence en dehors la danse nuptiale entre les deux chœurs restés à la porte. Les jeunes filles, armées d’une crosse recourbée, imitent les divers ouvrages du labour ; les jeunes guerriers font la garde autour d’elles, l’arc à la main. Tout à coup un parti ennemi sortant de la forêt s’efforce d’enlever les femmes, celles-ci jettent leur hoyau et s’enfuient ; leurs frères volent à leur secours. Un combat simulé s’engage ; les ravisseurs sont repoussés.

À cette pantomime succèdent d’autres tableaux tracés avec une vivacité naturelle ; c’est la peinture de la vie domestique, le soin du ménage, l’entretien de la cabane, les plaisirs et les travaux du foyer ; touchantes occupations d’une mère de famille. Ce spectacle se termine par une ronde où les jeunes filles tournent à rebours du cours du soleil, et les jeunes guerriers selon le mouvement apparent de cet astre.

Le repas suit : il est composé de soupes, de gibier, de gâteaux de maïs, de canneberges, espèce de légumes, de pommes de mai, sorte de fruit porté par une herbe, de poissons, de viandes grillées et d’oiseaux rôtis. On boit dans les grandes calebasses le suc de l’érable ou du sumac, et dans de petites tasses de hêtre une préparation de cassine, boisson chaude que l’on sert comme du café. La beauté du repas consiste dans la profusion des mets.

Après le festin la foule se retire. Il ne reste dans la cabane du plus vieux parent que douze personnes, six sachems de la famille du mari, six matrones de la famille de la femme. Ces douze personnes, assises à terre, forment deux cercles concentriques ; les hommes décrivent le cercle extérieur. Les conjoints se placent au centre des deux cercles : ils tiennent horizontalement, chacun par un bout, un roseau de six pieds de long. L’époux porte dans la main droite un pied de chevreuil ; l’épouse élève de la main gauche une gerbe de maïs. Le roseau est peint de différents hiéroglyphes qui marquent l’âge du couple uni et la lune où se fait le mariage. On dépose aux pieds de la femme les présents du mari et de sa famille, savoir : une parure complète, le jupon d’écorce de mûrier, le corset pareil, la mante de plumes d’oiseaux ou de peau de martre, les mocassines brodées en poil de porc-épic, les bracelets de coquillages, les anneaux ou les perles pour le nez et pour les oreilles.

À ces vêtements sont mêlés un berceau de jonc, un morceau d’agaric, des pierres à fusil pour allumer le feu, la chaudière pour faire bouillir les viandes, le collier de cuir pour porter les fardeaux, et la bûche du foyer. Le berceau fait palpiter le cœur de l’épouse, la chaudière et le collier ne l’effrayent point : elle regarde avec soumission ces marques de l’esclavage domestique.