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ouvriers, dansant sur le sol humide, l’ont bientôt pétri et égalisé. Des nattes de roseaux tapissent ensuite cette aire ainsi que les parois du logis. Dans quelques heures est achevée une hutte qui cache souvent sous un toit d’écorce plus de bonheur que n’en recouvrent les voûtes d’un palais.

Le lendemain on remplit la nouvelle habitation de tous les meubles et comestibles du propriétaire : nattes, escabelles, vases de terre et de bois, chaudières, seaux, jambons d’ours et d’orignaux, gâteaux secs, gerbes de mais, plantées pour nourriture ou pour remèdes : ces divers objets s’accrochent aux murs ou s’étalent sur des planches ; dans un trou garni de cannes éclatées, on jette le maïs et la folleavoine. Les instruments de pêche, de chasse, de guerre et d’agriculture, la crosse du labourage, les pièges, les filets faits avec la moelle intérieure du faux palmier, les hameçons de dents de castor, les arcs, les flèches, les casse-têtes, les haches, les couteaux, les armes à feu, les cornes pour porter la poudre, les chichikoués, les tambourins, les fifres, les calumets, le fil de nerfs de chevreuil, la toile de mûrier ou de bouleau ; les plumes, les perles, les colliers, le noir, l’azur et le vermillon pour la parure, une multitude de peaux, les unes tannées, les autres avec leurs poils : tels sont les trésors dont on enrichit la cabane.

Huit jours avant la célébration du mariage, la jeune femme se retire à la cabane des purifications, lieu séparé où les femmes entrent et restent trois ou quatre jours par mois, et où elles vont faire leurs couches. Pendant les huit jours de retraite, le guerrier engagé chasse : il laisse le gibier dans l’endroit où il le tue ; les femmes le ramassent et le portent à la cabane des parents pour le festin de noces. Si la chasse a été bonne, on en tire un augure favorable.

Enfin le grand jour arrive. Les jongleurs et les principaux sachems sont invités à la cérémonie. Une troupe de jeunes guerriers va chercher le marié chez lui ; une troupe de jeunes filles va pareillement chercher la mariée à sa cabane. Le couple promis est orné de ce qu’il a de plus beau en plumes, en colliers, en fourrures, et de plus éclatant en couleurs.

Les deux troupes, par des chemins opposés, surviennent en même temps à la hutte du plus vieux parent. On pratique une seconde porte à cette hutte, en face de la porte ordinaire : environné de ses compagnons, l’époux se présente à l’une des portes ; l’épouse, entourée de ses compagnes, se présente à l’autre. Tous les sachems de la fête sont assis dans la cabane, le calumet à la bouche. La bru et le gendre vont se placer sur des rouleaux de peaux à l’une des extrémités de la cabane.