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il va ; mais il paroît qu’il remonte beaucoup au nord en été, puisqu’on le retrouve aux bords du lac de l’Esclave, et qu’on l’a rencontré jusque dans les îles de la mer Polaire. Peut-être aussi gagne-t-il les vallées des montagnes Rocheuses à l’ouest et les plaines du Nouveau Mexique au midi. Les bisons sont si nombreux dans les steppes verdoyants du Missouri, que quand ils émigrent leur troupe met quelquefois plusieurs jours à défiler comme une immense armée : on entend leur marche à plusieurs milles de distance, et l’on sent trembler la terre.

Les Indiens tannent supérieurement la peau du bison avec l’écorce du bouleau : l’os de l’épaule de la bête tuée leur sert de grattoir.

La viande du bison, coupée en tranches larges et minces, séchée au soleil ou à la fumée, est très-savoureuse ; elle se conserve plusieurs années, comme du jambon : les bosses et les langues des vaches sont les parties les plus friandes à manger fraîches. La fiente du bison brûlée donne une braise ardente, elle est d’une grande ressource dans les savanes, où l’on manque de bois. Cet utile animal fournit à la fois les aliments et le feu du festin. Les Sioux trouvent dans sa dépouille la couche et le vêtement. Le bison et le sauvage, placés sur le même sol, sont le taureau et l’homme dans l’état de nature : ils ont l’air de n’attendre tous les deux qu’un sillon, l’un pour devenir domestique, l’autre pour se civiliser.

FOUINE.

La fouine américaine porte auprès de la vessie un petit sac rempli d’une liqueur roussâtre : lorsque la bête est poursuivie, elle lâche cette eau en s’enfuyant ; l’odeur en est telle que les chasseurs et les chiens même abandonnent la proie : elle s’attache aux vêtements et fait perdre la vue. Cette odeur est une sorte de musc pénétrant qui donne des vertiges : les sauvages prétendent qu’elle est souveraine pour les maux de tête.

RENARDS.

Les renards du Canada sont de l’espèce commune ; ils ont seulement l’extrémité du poil d’un noir lustré. On sait la manière dont ils prennent les oiseaux aquatiques : La Fontaine, le premier des naturalistes, ne l’a pas oublié dans ses immortels tableaux.

Le renard canadien fait donc au bord d’un lac ou d’un fleuve mille sauts et gambades. Les oies et les canards, charmés qu’ils sont, s’approchent pour le mieux considérer. Il s’assied alors sur son derrière,