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parasol, et des azaléas qui brilloient comme des réseaux de corail.

Derrière ce premier plan s’élevoient les plus charmants de tous les arbres, les papayas : leur tronc droit, grisâtre et guilloché, de la hauteur de vingt à vingt-cinq pieds, soutient une touffe de longues feuilles à côtes, qui se dessinent comme l’S gracieuse d’un vase antique. Les fruits, en forme de poire, sont rangés autour de la tige ; on les prendroit pour des cristaux de verre ; l’arbre entier ressemble à une colonne d’argent ciselé, surmontée d’une urne corinthienne.

Enfin, au troisième plan, montoient graduellement dans l’air les magnolias et les liquidambars.

Le soleil tomba derrière le rideau d’arbres de la plaine ; à mesure qu’il descendoit, les mouvements de l’ombre et de la lumière répandoient quelque chose de magique sur le tableau : là, un rayon se glissoit à travers le dôme d’une futaie et brilloit comme une escarboucle enchâssée dans le feuillage sombre ; ici, la lumière divergeoit entre les troncs et les branches, et projetoit sur les gazons des colonnes croissantes et des treillages mobiles. Dans les cieux, c’étoient des nuages de toutes les couleurs, les uns fixes, imitant de gros promontoires ou de vieilles tours près d’un torrent, les autres flottant en fumée de rose ou en flocons de soie blanche. Un moment suffisoit pour changer la scène aérienne : on voyoit alors des gueules de four enflammées, de grands tas de braise, des rivières de laves, des paysages ardents. Les mêmes teintes se répétoient sans se confondre ; le feu se détachoit du feu, le jaune pâle du jaune pâle, le violet du violet : tout étoit éclatant, tout étoit enveloppé, pénétré, saturé de lumière.

Mais la nature se joue du pinceau des hommes : lorsqu’on croit qu’elle a atteint sa plus grande beauté, elle sourit et s’embellit encore.

À notre droite étoient les ruines indiennes ; à notre gauche notre camp de chasseurs ; l’île dérouloit devant nous ses paysages gravés ou modelés dans les ondes. À l’orient, la lune, touchant l’horizon, sembloit reposer immobile sur les côtes lointaines ; à l’occident, la voûte du ciel paroissoit fondue en une mer de diamants et de saphirs, dans laquelle le soleil, à demi plongé, avoit l’air de se dissoudre.

Les animaux de la création étoient, comme nous, attentifs à ce grand spectacle : le crocodile, tourné vers l’astre du jour, lançoit par sa gueule béante l’eau du lac en gerbes colorées ; perché sur un rameau desséché, le pélican louoit à sa manière le Maître de la nature, tandis que la cigogne s’envoloit pour le bénir au-dessus des nuages !

Nous te chanterons aussi, Dieu de l’univers, toi qui prodigues tant de merveilles ! la voix d’un homme s’élèvera avec la voix du désert : tu distingueras les accents du foible fils de la femme, au milieu du