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beaux ruisseaux, qu’il semble que la nature se soit efforcée à rendre ce pays aussi délicieux100.

" La ville d’Athènes est située sur la pente et aux environs d’un rocher, qui est assis dans une plaine ; laquelle est bornée par la mer qu’elle a au midi, et par les montagnes agréables qui l’enferment du côté du septentrion. Elle n’est pas la moitié si grande qu’elle était autrefois, ainsi que l’on peut voir par les ruines, à qui le temps a fait moins de mal que la barbarie des nations qui ont tant de fois pillé et saccagé cette ville. Les bâtiments anciens qui y restent témoignent la magnificence de ceux qui les ont faits ; car le marbre n’y est point épargné, non plus que les colonnes et les pilastres. Sur le haut du rocher est le château, dont les Turcs se servent encore aujourd’hui. Entre plusieurs anciens bâtiments, il y a un temple qui est aussi entier et aussi peu offensé de l’injure du temps comme s’il ne venait que d’être fait ; l’ordre et la structure en sont admirables. Sa forme est ovale, et par dehors, aussi bien que par dedans ; il est soutenu par trois rangs de colonnes de marbre, garnies de leurs bases et chapiteaux ; derrière chaque colonne, il y a un pilastre qui en suit l’ordonnance et la proportion. Les chrétiens du pays disent que ce temple est celui-là même qui était dédié au Dieu Inconnu, dans lequel saint Paul prêcha : à présent il sert de mosquée, et les Turcs y vont faire leurs oraisons. Cette ville jouit d’un air fort doux, et les astres les plus malfaisants se dépouillent de leurs mauvaises influences quand ils regardent cette contrée : ce que l’on peut connaître aisément, tant par la fertilité du pays que par les marbres et les pierres qui, depuis un si long temps qu’elles sont exposées à l’air, ne sont aucunement rongées ni endommagées. L’on dort à la campagne la tête découverte sans en recevoir nulle incommodité ; enfin, l’air qu’on y respire est si agréable et si tempéré, que l’on y reconnaît beaucoup de changements lorsque l’on s’en éloigne. Quant aux habitants du pays, ce sont tous Grecs, qui sont cruellement et barbarement traités par les Turcs qui y demeurent, encore qu’ils soient en petit nombre. Il y a un cadi qui rend la justice, un prévôt appelé soubachy et quelques janissaires que l’on y envoie de la Porte, de trois mois en trois mois. Tous ces officiers firent beaucoup d’honneur au sieur