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Dans ce temps-là, un petit tyran de la Morée, appelé Sgure, et natif de Napoli de Romanie, vint mettre le siège devant Athènes : il en fut repoussé par l’archevêque Michel Acominat Choniate, frère de l’historien Nicétas52. Cet archevêque avait composé un poème dans lequel il comparaît l’Athènes de Périclès à l’Athènes du XIIe siècle. Il reste encore quelques vers de ce poème manuscrit, in-4 o, N o 963, page 116, à la Bibliothèque royale.

Quelque temps après, Athènes ouvrit ses portes au marquis de Mont-Ferrat ; Boniface donna l’investiture de la seigneurie de Thèbes et d’Athènes à Othon de la Roche ; les successeurs d’Othon prirent le titre de ducs d’Athènes et de grands sires de Thèbes. Au rapport de Nicétas, le marquis de Mont-Ferrat porta ses armes jusqu’au fond de la Morée ; il se saisit d’Argos et de Corinthe, mais il ne put s’emparer du château de cette dernière ville, où Léon Sgure se renferma53.

Tandis que Boniface poursuivait ses succès, un coup de vent amenait d’autres Français à Modon. Geoffroi de Ville-Hardouin, qui les commandait, et qui revenait de la Terre Sainte, se rendit auprès du marquis de Mont-Ferrat, alors occupé au siège de Napoli. Geoffroi, bien reçu de Boniface, entreprit avec Guillaume de Champlite la conquête de la Morée54. Le succès répondit aux espérances ; toutes les villes se rendirent aux deux chevaliers, à l’exception de Lacédémone, où régnait un tyran nommé Léon Chamarète55. Peu de temps après, la Morée fut remise aux Vénitiens ; elle leur appartenait, d’après le traité général conclu à Constantinople entre les croisés. Le corsaire génois Léon de Scutrano se rendit maître un moment de Coron et de Modon ; mais il en fut bientôt chassé par les Vénitiens56.

Guillaume de Champlite prit le titre de prince d’Achaïe. A la mort de Guillaume, Geoffroi de Ville-Hardouin hérita des biens de son ami, et devint prince d’Achaïe et de Morée57.

La naissance de l’empire ottoman se rapporte à peu près au temps dont nous parlons. Soliman-Shah sortit des solitudes des Tartares Oguziens, vers l’an 1214, et s’avança vers l’Asie-Mineure58. Démétrius Cantémir, qui nous a donné l’histoire des Turcs d’après les auteurs originaux, mérite plus de confiance que Paul Jove et les auteurs grecs, qui confondent souvent les Sarrasins avec les Turcs.