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d’entrer dans le Temple, mais même dans le parvis, sous peine d’être brûlés vifs ou de se faire Turcs, ils y font une soigneuse garde, laquelle fut gagnée de mon temps par un stratagème qu’il ne m’est pas permis de dire, pour les accidents qui en pourraient arriver, me contentant de dire toutes les particularités qui s’y remarquent. "

Du parvis il vient à la description du Temple.

" Pour entrer dans le Temple, il y a quatre portes situées à l’orient, occident, septentrion et midi ; chacune ayant son portail bien élabouré de moulures, et six colonnes avec leurs pieds-d’estail et chapiteaux, le tout de marbre et de porphyre. Le dedans est tout de marbre blanc : le pavé même est de grand,es tables de marbre de diverses couleurs, dont la plus grande partie, tant des colonnes que du marbre, et le plomb, ont été pris par les Turcs, tant en l’église de Bethléem qu’en celle du Saint-Sépulcre, et autres qu’ils ont démolies.

" Dans le Temple il y a trente-deux colonnes de marbre gris en deux rangs, dont seize grandes soutiennent la première voûte, et les autres le dôme, chacune étant posée sur son pied-d’estail et leurs chapiteaux. Tout autour des colonnes, il y a de très beaux ouvrages de fer doré et de cuivre, faits en forme de chandeliers, sur lesquels il y a sept mille lampes posées, lesquelles brûlent depuis le jeudi au soleil couché jusqu’au vendredi matin ; et tous les ans un mois durant, à savoir, au temps de leur ramadan, qui est leur carême.

" Dans le milieu du Temple, il y a une petite tour de marbre, où l’on monte en dehors par dix-huit degrés. C’est où se met le cadi tous les vendredis, depuis midi jusqu’à deux heures, que durent leurs cérémonies, tant la prière que les expositions qu’il fait sur les principaux points de l’Alcoran.

" Outre les trente-deux colonnes qui soutiennent la voûte et le dôme, il y en a deux autres moindres, assez proches de la porte de l’occident, que l’on montre aux pèlerins étrangers, auxquels ils font accroire que lorsqu’ils passent librement entre ces colonnes, ils sont prédestinés pour le paradis de Mahomet, et disent que si un chrétien passait entre ces colonnes, elles se serreraient et l’écraseraient. J’en sais bien pourtant à qui cet accident n’est pas arrivé, quoiqu’ils fussent bons chrétiens.

" A trois pas de ces deux colonnes il y a une pierre dans le pavé, qui semble de marbre noir, de deux pieds et demi en carré, élevée un peu plus que le pavé. En cette pierre il y a vingt-trois trous où il semble qu’autrefois il y ait eu des clous, comme de fait il en reste encore deux. Savoir à quoi ils servaient, je ne le sais pas : même les mahométans l’ignorent, quoiqu’ils croient que c’était sur cette pierre que les prophètes mettaient les pieds lorsqu’ils descendaient de cheval pour entrer au Temple, et que ce fut sur cette pierre que descendit Mahomet lorsqu’il arriva de l’Arabie Heureuse, quand il fit le voyage du paradis pour traiter d’affaires avec Dieu. "