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ce sacrifice intérieur de votre Fils ? N’est-ce pas assez qu’il doive être répandu par ses ennemis ? Faut-il que votre justice se hâte, pour ainsi dire, de le voir répandre ? " (N.d.A.)



La destruction de Jérusalem, prédite et pleurée par Jésus-Christ, mérite bien qu’on s’y arrête. Ecoutons Josèphe, témoin oculaire de cet événement. La ville étant prise, un soldat met le feu au Temple.

" Lorsque le feu dévorait ainsi ce superbe Temple, les soldats, ardents au pillage, tuaient tous ceux qu’ils y rencontraient. Ils ne pardonnaient ni à l’âge ni à la qualité : les vieillards aussi bien que les enfants, et les prêtres comme les laïques, passaient par le tranchant de l’épée : tous se trouvaient enveloppés dans ce carnage général, et ceux qui avaient recours aux prières n’étaient pas plus humainement traités que ceux qui avaient le courage de se défendre jusqu’à la dernière extrémité. Les gémissements des mourants se mêlaient au bruit du pétillement du feu, qui gagnait toujours plus avant ; et l’embrasement d’un si grand édifice, joint à la hauteur de son assiette, faisait croire à ceux qui ne le voyaient que de loin que toute la ville était en feu.

" On ne saurait rien imaginer de plus terrible que le bruit dont l’air retentissait de toutes parts ; car quel n’était pas celui que faisaient les légions romaines dans leur fureur ? Quels cris ne jetaient pas les factieux qui se voyaient environnés de tous côtés du fer et du feu ? Quelle plainte ne faisait point ce pauvre peuple qui, se trouvant alors dans le Temple, était dans une telle frayeur, qu’il se jetait, en fuyant, au milieu des ennemis ! Et quelles voix confuses ne poussait point jusqu’au ciel la multitude de ceux qui, de dessus la montagne opposée au Temple, voyaient un spectacle si affreux ! Ceux même que la faim avait réduits à une telle extrémité que la mort était prête à leur fermer pour jamais les yeux, apercevant cet embrasement du Temple, rassemblaient tout ce qui leur restait de forces pour déplorer un si étrange malheur ; et les échos des montagnes d’alentour et du pays qui est au delà du Jourdain redoublaient encore cet horrible bruit ; mais quelque épouvantable qu’il fût, les maux qui le causaient l’étaient encore davantage. Ce feu qui dévorait le Temple était si grand et si violent, qu’il semblait que la montagne même sur laquelle il était assis brûlât jusque dans ses fondements. Le sang coulait en telle abondance, qu’il paraissait disputer avec le feu à qui s’étendrait davantage. Le nombre de ceux qui étaient tués surpassait celui de ceux qui les sacrifiaient à leur colère et à leur vengeance ; toute la terre était couverte de corps morts ; et les soldats marchaient dessus pour suivre par un chemin si effroyable ceux qui s’enfuyaient. (…)

" Quatre ans avant le commencement de la guerre, lorsque Jérusalem était encore dans une profonde paix et dans l’abondance, Jésus, fils d’Ananus, qui n’était qu’un simple paysan, étant venu à la fête des Tabernacles, qui se