de son revenu, de ses armées, de ses caravanes. Je n’ai point voulu profiter de ce manuscrit ; je n’en connais point l’auteur, mais, quel qu’il soit, il est juste qu’il recueille l’honneur de son travail. Je donnerai cet excellent Mémoire à la fin de l’Itinéraire 4. . Je passe maintenant à l’histoire et aux ruines de Carthage.
L’an 883 avant notre ère, Didon, obligée de fuir sa terre natale, vint aborder en Afrique. Carthage, fondée par l’épouse de Sichée, dut ainsi sa naissance à l’une de ces aventures tragiques qui marquent le berceau des peuples et qui sont comme le germe et le présage des maux, fruits plus ou moins tardifs de toute société humaine. On connaît l’heureux anachronisme de l’ Enéide. Tel est le privilège du génie, que les poétiques malheurs de Didon sont devenus une partie de la gloire de Carthage. A la vue des ruines de cette cité, on cherche les flammes du bûcher funèbre ; on croit entendre les imprécations d’une femme abandonnée ; on admire ces puissants mensonges qui peuvent occuper l’imagination, dans des lieux remplis des plus grands souvenirs de l’histoire. Certes, lorsqu’une reine expirante appelle dans les murs de Carthage les divinités ennemies de Rome et les dieux vengeurs de l’hospitalité ; lorsque Vénus, sourde aux prières de l’amour, exauce les vœux de la haine, qu’elle refuse à Didon un descendant d’Enée et lui accorde Annibal, de telles merveilles, exprimées dans un merveilleux langage, ne peuvent plus être passées sous silence. L’histoire prend alors son rang parmi les Muses, et la fiction devient aussi grave que la vérité.
Après la mort de Didon, la nouvelle colonie adopta un gouvernement dont Aristote a vanté les lois. Des pouvoirs balancés avec art entre les deux premiers magistrats, les nobles et le peuple, eurent cela de particulier qu’ils subsistèrent pendant sept siècles sans se détruire : à peine furent-ils ébranlés par des séditions populaires et par quelques conspirations des grands. Comme les guerres civiles, sources des crimes publics, sont cependant mères des vertus particulières, la république gagna plus qu’elle ne perdit à ces orages. Si ses destinées sur la terre ne furent pas aussi longues que celles de sa rivale, du moins à Carthage la liberté ne succomba qu’avec la patrie.
Mais, comme les nations les plus libres sont aussi les plus passionnées, nous trouvons avant la première guerre Punique les Carthaginois engagés dans des guerres honteuses. Ils donnèrent des chaînes à ces peuples de la Bétique dont le courage ne sauva pas la