sur les grèves des Bataves, des Bretons, des Gaulois, ces vagues que je voyais se dérouler sur les beaux sables de la Messénie ! Quel sera le terme de mes pèlerinages ? Heureux si la mort m’eût surpris avant d’avoir commencé mes courses sur la terre, et lorsque je n’avais d’aventures à conter à personne ! "
Pendant mon séjour forcé à Alexandrie, je reçus plusieurs lettres de M. Caffe, mon brave compagnon de voyage sur le Nil. Je n’en citerai qu’une ; elle contient quelques détails touchant les affaires de l’Égypte à cette époque :
- " Rosette, le 14 février 1806.
- " Monsieur,
- " Quoique nous soyons au 14 du courant, j’ai l’honneur de vous écrire encore, bien persuadé qu’à la reçue de celle-ci vous serez encore à Alexandrie. Ayant travaillé à mes expéditions pour Paris, au nombre de quatre, je prends la liberté de vous les recommander, et d’avoir la complaisance, à votre heureuse arrivée, de vouloir bien les faire remettre à leur adresse.
- " Mahamed-Aga, aujourd’hui trésorier de Mahamed-Ali, pacha du Caire, est arrivé vers le midi : l’on a débité qu’il demande cinq cents bourses de contribution sur le riz nouveau. Voilà, mon cher Monsieur, comme les affaires vont de mal en pis.
- " Le village où les Mamelucks ont battu les Albanais, et que les uns et les autres ont dépouillé, s’appelle Neklé ; celui où nous avons été attaqués par les Arabes porte le nom de Saffi.
- " J’ai toujours du regret de n’avoir pas eu la satisfaction de vous voir avant votre départ ; vous m’avez privé par là d’une grande consolation, etc.
- " Votre très humble, etc.
- " L.- E. Caffe. "
Le 23 novembre, à midi, le vent étant devenu favorable, je me rendis à bord du vaisseau avec mon domestique français. J’avais, comme je l’ai dit, renvoyé mon domestique grec à Constantinople J’embrassai M. Drovetti sur le rivage, et nous nous promîmes amitié et souvenance : j’acquitte aujourd’hui ma dette.
Notre navire était à l’ancre dans le grand port d’Alexandrie, où les vaisseaux francs sont admis aujourd’hui comme les vaisseaux turcs ; révolution due à nos armes. Je trouvai à bord un rabbin de Jérusalem, un Barbaresque, et deux pauvres Maures de Maroc, peut-être descendants des Abencerages, qui revenaient du pèlerinage de La Mecque : ils me demandaient leur passage par charité. Je reçus les enfants de Jacob et de Mahomet au nom de Jésus-Christ : au fond, je n’avais pas grand mérite, car j’allai me mettre en tête que ces malheureux me porteraient