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de coups de bâton qu’ils moururent sur la place. Six religieux furent mis à mort par les Arabes, une nuit qu’ils étaient à matines au couvent bâti à Anathot, en la maison du prophète Jérémie, qu’ils brûlèrent ensuite. Ce serait abuser de la patience du lecteur, de déduire en particulier les souffrances et les persécutions que nos pauvres religieux ont souffertes depuis qu’ils ont eu en garde les saints lieux. Ce qui continue avec augmentation depuis l’an 1627 que nos religieux y ont été établis, comme on pourra connaître par les choses qui suivent 56. , etc. "

L’ambassadeur Deshayes tient le même langage sur les persécutions que les Turcs font éprouver aux Pères de Terre Sainte.

" Les pauvres religieux qui les servent sont aussi réduits aucunes fois à de si grandes extrémités, faute d’être assistés de la chrétienté, que leur condition est déplorable. Ils n’ont pour tout revenu que les aumônes qu’on leur envoie, qui ne suffisent pas pour faire la moitié de la dépense à laquelle ils sont obligés ; car, outre leur nourriture et le grand nombre de luminaires qu’ils entretiennent, il faut qu’ils donnent continuellement aux Turcs, s’ils veulent vivre en paix ; et quand ils n’ont pas le moyen de satisfaire à leur avarice, il faut qu’ils entrent en prison.
" Jérusalem est tellement éloignée de Constantinople, que l’ambassadeur du roi qui y réside ne saurait avoir nouvelles des oppressions qu’on leur fait que longtemps après. Cependant ils souffrent et endurent s’ils n’ont de l’argent pour se rédimer ; et bien souvent les Turcs ne se contentent pas de les travailler en leurs personnes, mais encore ils convertissent leurs églises en mosquées 57. . "

Je pourrais composer des volumes entiers de témoignages semblables consignés dans les Voyages en Palestine ; je n’en produirai plus qu’un, et il sera sans réplique.

Je le trouve, ce témoignage, dans un monument d’iniquité et d’oppression peut-être unique sur la terre, monument d’une autorité d’autant plus grande, qu’il était fait pour demeurer dans un éternel oubli.

Les Pères m’avaient permis d’examiner la bibliothèque et les archives de leur couvent. Malheureusement ces archives et cette bibliothèque furent dispersées il y a près d’un siècle : un pacha fit mettre aux fers les religieux, et les emmena captifs à Damas. Quelques papiers échappèrent à la dévastation, en particulier les firmans que les Pères ont obtenus, soit de la Porte, soit des souverains de l’Égypte,