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Harat-el-Nassara, la rue des Chrétiens elle va du Saint-Sépulcre au couvent latin.

Harat-el-Asman, la rue des Arméniens, au levant du château.

Harat-el-Youd, la rue des Juifs : les boucheries de la ville sont dans cette rue.

Harat-bab-Hotta, la rue près du Temple.

Harat-el-Zahara. Mon drogman me traduisait ces mots par strada Comparita. Je ne sais trop ce que cela veut dire. Il m’assurait encore que les rebelles et les méchantes gens demeuraient dans cette rue.

Harat-el-Maugrarbé, rue des Maugrabins. Ces Maugrabins, comme je l’ai dit, sont les Occidentaux ou Barbaresques. On compte parmi eux quelques descendants des Maures chassés d’Espagne par Ferdinand et Isabelle. Ces bannis furent reçus dans la ville sainte avec une grande charité : on leur fit bâtir une mosquée ; on leur distribue encore aujourd’hui du pain, des fruits et quelque argent. Les héritiers des fiers Abencerages, les élégants architectes de l’Alhambra, sont devenus à Jérusalem des portiers, qu’on recherche à cause de leur intelligence, et des courriers, estimés pour leur légèreté. Que diraient Saladin et Richard si, revenant tout à coup au monde, ils trouvaient les chevaliers maures transformés en concierges au Saint-Sépulcre, et les chevaliers chrétiens représentés par des frères quêteurs ?

A l’époque du voyage de Benjamin de Tudèle, c’est-à-dire sous les rois français de Jérusalem, la ville avait trois enceintes de murailles, et quatre portes, que Benjamin appelle porta Somnus Abrahae, porta David, porta Sion, porta Jehosaphat. Quant aux trois enceintes, elles ne s’accordent guère avec ce que nous savons du local de Jérusalem lors de la prise de cette ville par Saladin. Benjamin trouva plusieurs Juifs établis dans le quartier de la Tour de David : ils y avaient le privilège exclusif de la teinture des draps et des laines, moyennant une somme qu’ils payaient tous les ans au roi.

Les lecteurs qui voudront comparer la Jérusalem moderne avec la Jérusalem antique peuvent avoir recours à d’Anville, dans sa Dissertation sur l’ancienne Jérusalem, à Reland, et au père Lami, De sancta Civitate et Templo.

Nous rentrâmes au couvent vers neuf heures. Après avoir déjeuné j’allai faire une visite au patriarche grec et au patriarche arménien, qui m’avaient envoyé saluer par leurs drogmans.

Le couvent grec touche à l’église du Saint-Sépulcre. De la terrasse de ce couvent on découvre un assez vaste enclos, où croissent deux