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Ali-Aga fit lui-même des ablutions le Jourdain est un fleuve sacré pour les Turcs et les Arabes, qui conservent plusieurs traditions hébraïques et chrétiennes, les unes dérivées d’Ismael, dont les Arabes habitent encore le pays, les autres introduites chez les Turcs à travers les fables du Coran.

Selon d’Anville, les Arabes donnent au Jourdain le nom de Nahar-el-Arden ; selon le père Roger, ils le nomment Nahar-el-Chiria. L’abbé Mariti fait prendre à ce nom la forme italienne de Scheria, et M. de Volney écrit El-Charia.

Saint Jérôme, dans son traité de Situ et Nominibus locorum Hebraicorum, espèce de traduction des Topiques d’Eusèbe, trouve le nom de Jourdain dans la réunion des noms des deux sources, Jor et Dan, de ce fleuve, mais il varie ailleurs sur cette opinion ; d’autres la rejettent, sur l’autorité de Josèphe, de Pline et d’Eusèbe, qui placent l’unique source du Jourdain à Panéades, au pied du mont Hémon dans l’Anti-Liban. La Roque traite à fond cette question dans son Voyage de Syrie ; l’abbé Mariti n’a fait que le répéter, en citant de plus un passage de Guillaume de Tyr, pour prouver que Dan et Panéades étaient la même ville : c’est ce que l’on savait. Il faut remarquer avec Reland ( Palestina ex monumentis veteribus illustrata), contre l’opinion de saint Jérôme, que le nom du fleuve sacré n’est pas en hébreu Jordan, mais Jorden ; qu’en admettant même la première manière de lire, on explique Jordan par fleuve du Jugement : Jor, que saint Jérôme traduit par Ῥἐεθρου, fluvius et Dan, que l’on rend par judicans, sive judicium : étymologie si juste qu’elle rendrait improbable l’opinion des deux fontaines Jor et Dan, si d’ailleurs la géographie laissait quelque doute à ce sujet.

A environ deux lieues de l’endroit où nous étions arrêtés, j’aperçus plus haut, sur le cours du fleuve, un bocage d’une grande étendue. Je le voulus visiter, car je calculai que c’était à peu près là, en face de Jéricho, que les Israélites passèrent le fleuve, que la manne cessa de tomber, que les Hébreux goûtèrent les premiers fruits de la terre promise, que Naaman fut guéri de la lèpre, et qu’enfin Jésus-Christ reçut le baptême de la main de saint Jean-Baptiste. Nous marchâmes vers cet endroit pendant quelque temps ; mais comme nous en approchions, nous entendîmes des voix d’hommes dans le bocage. Malheureusement la voix de l’homme, qui vous rassure partout, et que vous aimeriez à entendre au bord du Jourdain, est précisément ce qui vous alarme dans ces déserts. Les Bethléémites et le drogman voulaient à l’instant s’éloigner. Je leur déclarai que je n’étais pas venu si loin pour m’en retourner si vite, que je consentais à ne pas remonter plus haut, mais